Gaz noir, gaz bleu, gaz vert : à la recherche des transitions gazières

Sorbonne Université, Faculté des Lettres, UMR Sirice 
jpwilliot@wanadoo.fr

Résumé

La conception de la transition énergétique invite à réviser le développement de chaque source d'énergie. Il en va ainsi de l'énergie gazière qui a connu au moins trois transitions dans sa longue durée. Depuis le début du XIXe siècle, le gaz tiré du charbon puis le gaz naturel et aujourd'hui le biogaz forment trois étapes que trois couleurs peuvent caractériser : le noir du gaz manufacturé, le bleu du méthane et le vert du biogaz. Chacune des étapes correspond à des techniques gazières spécifiques qui se sont conjuguées plus qu'elle ne se sont remplacées l'une par l'autre. Doit-on donc parler en fin de compte de transition, de césure ou de changement progressif ?

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Introduction

La « transition énergétique » fait l'objet d’une littérature scientifique et d’une médiatisation publique qui vont l’une comme l’autre croissantes. Dans ce mouvement, le remplacement des modes de production d'énergies fossiles par des modes de production d'énergies renouvelables s'impose sur des pas de temps variables comme une préoccupation majeure de nombreux pays. Depuis l'avènement de la réflexion globale sur le développement durable à partir de la décennie 1970, le sujet a recouvert des définitions, des enjeux et des perspectives multiples1. À court terme, « la » transition énergétique paraît déterminée par une combinaison qui devrait associer la réduction des énergies carbonées et la promotion d’énergies présumées plus vertueuses à l’égard de l’environnement. La loi de transition énergétique n°2015-992 du 17 août 2015 en a posé le principe de manière claire en France.

Dans cette perspective, le gaz distribué en réseau présente un intérêt particulier. L’industrie gazière devrait manifester des inquiétudes réelles puisqu’elle compte parmi les énergies fossiles dont la décroissance est attendue. Pour autant, l'énergie gazière affronte-t-elle une césure qui serait définitive et  les perspectives de consommation de gaz naturel seront-elles uniquement liées à la mise en œuvre de la transition énergétique actuelle ?

Le sujet pourrait susciter une étude approfondie, non seulement en France, mais dans d'autres pays en Europe. D'une part, les utilisations du gaz naturel diffèrent selon les pays. En 2016 par exemple, le secteur industriel absorbait 53% de la consommation de gaz en Allemagne quand cette part n'était que de 17% au Royaume-Uni et de 19% en Italie. Le gaz employé au chauffage variait de 39% en Allemagne à 49% au Royaume-Uni. La génération d'électricité, limitée à 8% en Allemagne, s'élevait au tiers des consommations en Italie comme au Royaume-Uni2. Les approvisionnements ne sont pas non plus identiques, même si la construction progressive d'un réseau de transport de gaz en Europe depuis les années 1970 a largement contribué à unifier l'origine géographique des fournisseurs de gaz vers l'Europe occidentale. Elle n'en reste pas moins diversifiée avec des taux d'exposition variable à la dépendance du gaz russe. Par ailleurs, dans chaque pays, les rapports de force entre partis politiques et les aspirations environnementales des populations créent des conditions dissemblables pour limiter ou au contraire développer la consommation de gaz. La mutation vers de nouvelles formes de consommation gazière n'a donc aujourd'hui rien d'uniforme, en France, en Europe et a fortiori dans le monde.

Notre propos était beaucoup plus limité lorsque nous avons soumis un questionnement sur l'histoire de l'énergie gazière dans sa longue durée en France, lors d'un colloque organisé à Milan3 en 2017 sur les transitions dans l'histoire de l'énergie. Deux propositions des organisateurs du colloque en délimitaient le cadre. Y a-t-il eu des transitions énergétiques dans le passé ? La plasticité de la notion de transition énergétique laisse-t-elle apparaître une définition qui serait commune ? Il ne s’agissait donc pas de s’interroger sur le devenir de l’énergie gazière ni d'en réécrire une histoire globale ! Notre approche était plutôt de saisir l'épaisseur de la transition contemporaine au regard d'un plus long terme. La proposition partait d'une question simple : y a-t-il eu d'autres formes de transition gazière dans les décennies antérieures ?

L’histoire de l'énergie gazière superpose plusieurs étapes. Chacun connaît l'évolution de cette énergie avec le diptyque classique gaz manufacturé/gaz naturel. Deux séquences d'inégale longueur, 150 ans pour la première, 70 ans pour la seconde jusqu'à aujourd'hui, correspondent à des usages différents de l'énergie gazière. Le gaz manufacturé, d'abord produit avec une grande variété de matières combustibles l'a ensuite été à partir du charbon au tournant des années 1840. Les usines à gaz ont également employé le gaz de pétrole liquéfié,  des huiles de pétrole et des distillats légers à partir de l'Entre-deux-guerres. Les consommations se limitèrent à l'éclairage public urbain ou privé jusque dans les années 1880. À partir de la fin du 19e siècle, l'utilisation du gaz comme force motrice, notamment dans l'artisanat, et comme source calorifique à la cuisine ou pour chauffer les habitations, élargit les marchés gaziers. Un autre temps a commencé en France dès la Seconde Guerre mondiale, mais ne s'est révélé totalement qu'à partir des années 1950 et 1960. La mise en place de réseaux de transport de gaz naturel a ouvert une autre histoire. Consommé sous forme d'usages calorifiques (chauffage, cuisine et eau chaude) sur les marchés domestiques et tertiaires, le gaz naturel trouva aussi son emploi dans le secteur industriel, par exemple dans le chauffage des fours de verrerie, les cimenteries, les cuissons en industrie agroalimentaire. Les techniques du gaz manufacturé et celles du gaz naturel sont peu comparables. Pourtant, l'introduction du gaz manufacturé, puis le passage du gaz manufacturé au gaz naturel, et aujourd'hui l'introduction de nouvelles formes de production de gaz, comme le biométhane et l'utilisation de la biomasse, rendent légitime d'évoquer plusieurs formes de transition énergétique à propos de l'énergie gazière. La nature des bouleversements n'a pas chaque fois été du même ordre. Le passage du gaz manufacturé au gaz naturel a procédé de l'arrivée d’une ressource nouvelle et de l’emploi d’une énergie plus efficace que la précédente. Le basculement n’était pas imposé par un contexte politique et sociétal. Il l'était au départ sur un plan économique avant d'être justifié par des critères techniques. La transition actuelle, vers un avenir gazier qui ne soit pas celui du gaz naturel, intègre à la fois le renouvellement des ressources, des innovations techniques, des demandes sociales fortes et des arbitrages politiques déterminants. Le gaz produit à partir de la biomasse favorise une économie circulaire plutôt encouragée en France. À l'inverse, la production de gaz de schiste y est socialement refusée.

Si l'on compare ces phases de changement, plusieurs transitions peuvent donc être proposées. Celle de la succession des types de gaz, d'une part, et celle des paliers de stabilisation technique de chaque type de gaz, d'autre part. Pour en poser les différences et les similitudes, le « temps » de la transition est essentiel. Il peut entrer dans les critères de définition du phénomène de transition énergétique. Rupture brutale, évolution en biseau, transformation par tuilage de différents systèmes énergétiques sont autant d'approches qui peuvent être appliquées à l'histoire de l'énergie gazière dans sa durée. La longueur de la séquence, par sa brièveté ou par son extension, indique l'ampleur de la transition.

L'introduction du gaz manufacturé, l'emploi du gaz naturel et l'évolution vers le biométhane ne peuvent pas être mis sur le même plan. Faut-il donc comparer les consommateurs qui ont eu recours au gaz manufacturé, ceux qui sont entrés dans de nouvelles formes de consommation en devenant des « convertis » au gaz naturel, abandonnant par force mais aussi par avantage le « gaz de ville », et ceux qui ne sauront même pas que la nature du gaz livré a changé entre le gaz naturel en provenance de Sibérie et celui produit dans une ferme d'Ile-de-France qui méthanise la biomasse ? Évoquer des transitions invite à considérer le temps de mise en place du gaz de ville (40 ans pour choisir parmi les premiers procédés), le temps de passage du gaz manufacturé au gaz naturel (20 ans avant de stabiliser la conversion), le temps promis au basculement vers un nouveau biogaz (une approche déjà développée en 1988 lors du Congrès mondial du gaz à Washington et qui se programme à l'horizon de 2030).

Dans notre approche, transition n'est pas mutation, transition serait plutôt synonyme d'imbrication. C'était notre propos que de montrer comment l'appliquer à l'énergie gazière. Trois couleurs symboliques pourraient caractériser ces phases gazières : gaz noir, gaz bleu, gaz vert. Trois marches d'histoire gazière, limitée aux gaz distribués au moyen d'un réseau. Elles suggèrent l'idée de transitions antérieures, répétées, selon des temporalités longues. Ces trois ensembles inscrivent l'instabilité des techniques comme source d'innovation. Ils tempèrent l'illusion d'un basculement radical dans la nouveauté, fût-elle inspirée par un volontarisme politique et social sous couvert de « transition énergétique ».

Cette « chronologie chromatique » ne saurait évidemment pas rendre compte de toute l'histoire gazière en quelques pages, ni de la relation du gaz avec les autres sources d'énergie. C'est un autre sujet que de vouloir mettre en ligne de mire toute l'histoire du charbon, donc aussi celle de la houille, de la tourbe et de l'anthracite, matières premières de la fabrication du gaz manufacturé, celle du coke puis celle du pétrole et de ses sous-produits qui firent évoluer la production du gaz. Mais dès lors pourquoi ne pas s'intéresser aussi à l'histoire de l'éclairage à huile, que le gaz a repoussé sans l'éliminer, à l'histoire de la cuisinière au charbon sale et étouffante que le gaz a concurrencée, à l'histoire de l'électricité en compétition avec le gaz pour certains usages ? La proposition serait stupide à l'échelle de quelques pages ! Nous renvoyons plutôt à d'autres synthèses4.

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Gaz noir

Le gaz manufacturé issu de la carbonisation des houilles n'était pas le choix des premiers entrepreneurs gaziers. Le charbon s'est imposé lorsque sa distillation a permis de développer un processus industriel complexe. Avec celui-ci, selon des mélanges proportionnés, les régisseurs d'usine à gaz pouvaient obtenir plus de pouvoir éclairant ou plus de sous-produits (coke domestique, goudron, eaux ammoniacales, phénol, benzol…). Les ingénieurs des compagnies gazières ont sélectionné les matières premières non seulement sur des critères de marché, accessibilité des approvisionnements, prix de la tonne, mais aussi sur des critères qualitatifs. Cette nécessité qui régnait dans les plus grandes entreprises avait justifié que la Compagnie Parisienne du Gaz crée un poste dédié à cette mission et surveille particulièrement le choix de la matière première. Son usine expérimentale procédait à des tests réguliers, plus d'un millier entre 1872 et 1884 sur 59 espèces de houille. À l'agent général qui assurait une fonction de courtier sur le site du grand Hornu en Belgique, la Compagnie parisienne substitua à partir de 1866 un régisseur d'usine issu de Polytechnique5.

De nombreux cas montrent qu'avant d'en arriver là,  les initiatives pour fabriquer du gaz à partir d'autres matières premières étaient moins organisées et se multiplièrent en France. À Paris, l'hôpital Saint-Louis fit l'essai de fabrication avec de vieux cuirs, des os, des huiles de colza, d'œillette, de lin jusqu'à la fin de la décennie 1810. En 1821, le chimiste Darcet exposait dans un rapport sur les comptes de l'usine que l'avantage de l'industrie gazière serait plutôt dans le gain économique des sous-produits si l'on employait le charbon de terre. Il notait ainsi « Le coke est un combustible nouvellement introduit dans les ateliers de Paris. Il y est déjà si recherché que plusieurs fabricants le produisent avec bénéfice en distillant du charbon de terre dans des fours ou même dans des chaudières ou des cornues en fonte, sans même recueillir le gaz et autre produits de la distillation »6. La graine de chanvre servait de premier choix à l'une des compagnies pionnières établies à Paris, la Compagnie Anglaise fondée dans les années 1820. À la même époque, l'analyse comparée des types de matières premières intéressait les milieux chimistes comme les édiles de la capitale.  Les fabrications d'un gaz à partir de chanvre, de colza, d'oeillette, de lin, de navette, de bois de saule, de bois de frêne, de bois de bouleau figurent autant dans les mentions de brevets, dans les comptes rendus de l'Académie des Sciences ou dans les bulletins de la Société d'Encouragement pour l'industrie nationale. Les essais que Philippe Lebon avait réalisés pour mettre au point son brevet de fabrication du gaz d'éclairage en 1798 utilisaient d'ailleurs le bois et non pas le charbon de terre. Le gaz Seguin, établi en 1839, distillait des matières animales et à Strasbourg le gaz à l'huile de schiste dura jusqu'en 1843. En 1835, l'inventeur d'un procédé tirant le gaz des matières grasses et des produits résineux, déposa une demande pour implanter une usine dans le quartier des Batignolles à Paris. Il envisageait une distribution de gaz portatif, comme celle-ci se pratiquait à Reims depuis 1829 et à Amiens depuis 18337. Certains brevets proposaient la fabrication de gaz d'éclairage sur la base de marcs de raisin (à Tours), à partir de riches eaux savonneuses des manufactures textiles (à Reims) ou avec des résidus de broyage d'olives (à Aix-en-Provence). À Tours, les entrepreneurs prévoyaient par exemple qu'un éclairage de 1200 becs dans la ville pendant 4 heures nécessiterait 72 tonnes de matières premières  sous forme de lies de vins pressurées et de marcs de raisins distillés. La production était jugée rentable puisqu'elle valorisait le chiffre d'affaires par 33% de ventes de vin, 42% de ventes des matières résiduelles pour produire des engrais et 24% de vente du gaz8. Preuve que cette voie n'était pas illusoire, une société formée en 1847 par deux industriels, Livenais et de Kersabiec, prévoyait aussi l'éclairage au gaz à partir des produits viticoles. Les commanditaires envisageaient le marché potentiel sur les  départements du Loiret, de Haute-Saône, du Gers, de la Gironde9. La technique du gaz  à l'eau -les mentions de cette technique évoquent au milieu du 19e siècle le gaz d'eau et non pas le gaz à l'eau expression adoptée à la fin du siècle- parut une autre voie intéressante. Elle supposait de décomposer la vapeur d'eau en hydrogène et oxyde de carbone qu'il fallait enrichir de matières carburantes pour assurer le pouvoir éclairant du gaz. Une usine installée aux Batignolles se lança dans sa production en 1837 grâce à l'association de l'ingénieur Jobard, détenteur d'un brevet depuis 1834, et de l'entrepreneur Selligue, qui fut l'un des premiers à envisager l'utilisation du gaz tiré des schistes bitumineux. Bien plus tard, au début du 20e siècle, le gaz à l'eau revint dans les pratiques gazières au sein des grandes cokeries.

Ces tentatives diverses se prolongèrent jusqu'au milieu du 19e siècle. Les expérimentations n'étaient pas des lubies. Les compagnies gazières recherchaient la bonne combinaison dans des contextes environnementaux nouveaux. Parmi les multiples possibilités explorées, la concurrence faite au gaz de houille par le gaz de résine fut la plus importante. Il était déjà utilisé en concurrence avec la houille à Édimbourg en 1824. Il ne contenait pas exactement les mêmes composants que le gaz tiré du charbon. Il était exempt d'acide sulfhydrique et d'ammoniaque. La Compagnie de Belleville tenta de produire son gaz à partir de résines et d'huiles diverses car l'odeur balsamique plaisait. Elle utilisait pour le fabriquer, des résines issues des Landes et des forêts corses. L'éclairage au gaz de Nantes fut proposé en 1828 sur un procédé similaire de fabrication à partir de la résine. Une étude de l'hygiène publique à Marseille le désigna en 1853 comme « gaz provençal » obtenu par la distillation du bois de sapin. L'auteur d'une brochure sur le sujet soulignait à partir des conclusions du Conseil d'hygiène publique de la ville de Marseille qu'il apportait « des garanties à l'état sanitaire des villes qui n'existent certainement pas dans l'éclairage au gaz de houille »10. Son abandon est très instructif quant aux transitions de modes d'énergie. Lorsqu'à Paris, le nouveau commanditaire de la Compagnie de Belleville choisit de basculer vers le gaz de houille en 1838, il rencontra quinze opposants alors qu'il n'avait affronté que 2 contradicteurs lorsqu'il avait annoncé le gaz de résine en 183411.

Quels arguments firent basculer la fabrication du gaz vers la carbonisation de la houille, ce qui peut apparaître comme une transition d'adaptation ? L'emploi du charbon ne devint pérenne qu'à partir de la décennie 1840. Plusieurs facteurs se sont conjugués : la montée en puissance de son rôle dans l'industrialisation, la diffusion des méthodes anglaises de fabrication du gaz, l'intérêt économique de la conversion de résidus encombrants en sous-produits valorisés par des marchés demandeurs.

Plusieurs usines à gaz employèrent pourtant le charbon dès le début de leur exploitation. Ce fut le cas par exemple de la compagnie Pauwels qui pratiquait la distillation de houille grasse avec épuration du gaz dans du lait de chaux en 1822. L'usine royale encore plus tôt puisque le devis de construction de l'usine prévoyait explicitement la mise en place d'un atelier de 264 m2 pour distiller le charbon de terre12. Lorsque l'usine de l'hôpital Saint-Louis utilisa la houille, elle fit venir son charbon de distillation de Saint-Étienne et son charbon pour chauffer ses fours du Creusot. Le charbon de Saint-Étienne et de Montrambert présentait l'avantage industriel d'une forte teneur en matières volatiles, permettant à la fois la production de gaz et de sous-produits. Mais il fallut attendre les décennies 1830 et plus encore 1840 pour constater la convergence vers une fabrication du gaz d'éclairage à partir de la houille. Le charbon entrait dans une logique de basculement énergétique favorable à la diffusion du modèle industrialiste anglais et belge. Sa progression explique pourquoi des capitaux anglais contribuèrent si souvent à l'émergence des premières compagnies gazières en France. Les industriels Manby et Wilson étaient à Paris en 1821. La compagnie Européenne engagea des capitaux britanniques dans l'édification d'usines à gaz en Normandie (Le Havre, Caen, Rouen), dans d'autres villes portuaires (Nantes, Boulogne) et à Amiens au cours des années 1830, selon une logique capitaliste similaire à celle observée dans la constitution de compagnies ferroviaires. Cette emprise anglaise ne fut pas limitée au territoire français puisque l'Imperial Continental Gas implanta le gaz dans plusieurs villes allemandes, mais aussi à Vienne, Amsterdam, Bruxelles, Anvers ou Rotterdam. D'autres preuves de ce basculement vers le modèle de fabrication anglais peuvent être avancées en observant l'anglicisation du vocabulaire technique -les « retortes » pour désigner les cornues-, ou l'emploi d'ouvriers spécialisés venus de Grande-Bretagne, comme le mécanicien James Ikin formé à Londres, surveillant des usines à gaz de Rochester et de Chatam, qui fut débauché pour assurer la maîtrise d'œuvre de l'usine royale à Paris13.

Dès le début de la fabrication du gaz à partir du charbon de terre, les nuisances furent dénoncées. Les archives le disent mieux que quiconque. Les contemporains relevaient la sortie de vapeurs lors des déchargements et extinctions du coke incandescent dans les cours, et les dégagements d'hydrogène sulfuré, les écoulements de goudron et d'ammoniaque. Les riverains de l'usine à gaz de Belleville le signifiaient au préfet de police comme une évolution qu'il semblait difficile de freiner au milieu de la décennie 1840 : « Cet établissement qui s'est accru de jour en jour et qui semble vouloir le faire indéfiniment, devient de plus en plus nuisible, non seulement par la fumée continuelle et l'odeur inévitable à ce genre d'industrie ; mais encore par les matières inflammables, résine, souffre, graisses, l'épuration des huiles et enfin celle du coke qui remplit le quartier d'une vapeur nauséabonde »14. Le problème n'était pas limité au gaz tiré du charbon. Lors des premières visites de contrôle de l'usine à gaz établie au sud de Paris, dans le village non encore annexé de Vaugirard, la fabrication du gaz de résine avait été stigmatisée par l'imprégnation des sols en huiles de distillation à forte odeur empyreumatique dans les années 1830. La transition vers un autre mode d'éclairage des rues et de fabrication de sous-produits n'allait pas sans adaptations.

Dès 1820, le Conseil de salubrité du département de la Seine en posait les enjeux : « nous devons observer que les distillations de bois et de houille se multiplient, qu'il est urgent de régler la manière dont on emploiera ou on détruira les résidus pour que la salubrité ne soit pas compromise »15. Les arguments pour tempérer les critiques vinrent de la pesée des nuisances et de l'acceptation sociale qu'ils présumaient. Le délégué du Conseil de salubrité pondérait l'inconvénient : trois minutes de dégagement de fumée par heure au moment du chargement des fours. C'est en fin de compte la rentabilité économique de la filière gazière par la croissance de sa production et l'obtention de sous-produits, coke, ammoniac et goudron qui assura le basculement. L'amélioration des procédés d'épuration après 1845 fut un facteur important de cette évolution. Le procédé Mallet notamment, qui introduisait le lavage du gaz dans des dissolutions neutres avant son passage dans un lait de chaux, permettait de retenir l'ammoniaque et de le traiter. Des avantages économiques apparaissaient en cascade puisqu'il utilisait les résidus de la production du chlore provenant des blanchisseries ou des papeteries que celles-ci jetaient auparavant dans les rivières. Un circuit de recyclage et de rationalisation économique de la fabrication confortait la transition vers un mode de production industriel du gaz d'éclairage.

Face aux détracteurs, le gaz d'éclairage visait à sa manière une transition énergétique. La crise du bois au 18e siècle avait marqué les esprits par l'augmentation des prix, le manque d'approvisionnement aux multiples conséquences dont des besoins non couverts comme celui de goudron pour la marine. La crise était au point qu'au cours de la décennie 1780 des concours ou des incitations pour amener les boulangers à convertir leurs fours au charbon au lieu du bois avaient été lancés. Économiser les ressources forestières en produisant du gaz sans carbonisation de bois modifiait donc les choix énergétiques. Il en allait de même pour restituer des terres à la production alimentaire. L'huile tirée des plantes oléagineuses imposait d'occuper inutilement un sol qui pouvait être dédié aux cultures. Ne plus recourir aux huiles végétales pour éclairer les villes réorientait leur emploi. D'autre part, la capacité énergétique du gaz était supérieure. Enfin, les partisans du gaz observaient aussi les avantages nouveaux et incontestables de la sécurité et de l'intensité de l'éclairage nocturne. Les industriels gaziers et les édiles municipaux mirent en avant des arguments divers, par exemple la possibilité d'éclairer à toute heure de la nuit les chambrées de casernes de pompiers. La comparaison avec la lenteur de l'éclairage à huile et ses dysfonctionnements (huile mal épurée, mélangée à de l'huile de baleine qui donne des flammes fuligineuses, des vapeurs insalubres et une mauvaise odeur persistante) devint un argument systématique16. Le gaz d'éclairage n'était pas seulement porteur d'innovation pour mieux éclairer les villes, il participait d'une utilisation intensive du charbon dans un schéma industriel global.

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Gaz bleu

Au gaz noir, associé aux fumées bistres des usines à gaz, a succédé un gaz bleu comme la flamme du gaz naturel. Qu'il s'agisse du logo de l'entreprise Gaz de France, du design publicitaire pour vendre « davantage de confort gaz » dans les publicités gazières des années 1960 ou de la mise en valeur des brûleurs de cuisson, la mutation visuelle associa le gaz au bleu dès que le pouvoir calorifique devint le premier argument de cette énergie. Il laissait de côté le pouvoir éclairant qui avait été l'atout du gaz manufacturé avec sa flamme jaune. Bien que ce basculement ait été engagé dès la fin du 19e siècle, ce n'est qu'à l'arrivée du gaz naturel que la référence chromatique devint de plus en plus explicite, à partir de la décennie 1950.

La séquence de conversion au gaz naturel a constitué une triple transition17. Pour l'industrie gazière, elle transformait complètement les procédés. On passait d'un processus de production en usine (à partir du charbon, de distillats pétroliers ou par cokéfaction) à un processus d'acheminement d'un gaz puisé dans le sous-sol. Le transport de gaz, associé à l'existence d'un marché d'approvisionnement internationalisé de manière spectaculaire en une trentaine d'années, devint le segment cardinal des entreprises gazières. Quel que soit le pays considéré en Europe, la création des réseaux de gazoducs sur de longues distances devint le chantier ostensible d'une transition vers de nouvelles possibilités énergétiques. Les technologies en furent bouleversées. La disparition des sites de production de gaz fut consommée en 1971 lors de la disparition de l'usine de Belfort puis en 1983 lorsque l'usine de craquage d'essence de Cherbourg fut arrêtée. L'accroissement des capacités des infrastructures de transport de gaz par gazoduc et l'amélioration de la fiabilité des réseaux urbains de distribution procédèrent d'un changement d'échelle. En une trentaine d'années les innovations se succédèrent. Des systèmes de compression ont été placés sur les grandes artères de gaz naturel. Les conduites de distribution vétustes ont laissé la place aux tuyaux en polyéthylène, hélas pas partout. Plus spectaculaire encore pour traduire l'internationalisation des fournitures de gaz, fut la mise au point d'une chaîne méthanière de transport sous forme de gaz naturel liquéfié avec ses infrastructures associées (terminaux de liquéfaction, différentes générations de navires méthaniers, terminaux de regazéification). Le point de bascule se situa en 1965 lors de l'ouverture du terminal méthanier du Havre, port de destination des premières cargaisons de gaz algérien. Même le paysage gazier fut transformé. Plus d'usines aux portes des villes mais plus de visibilité non plus de l'industrie gazière, faite de réseaux invisibles.

Pour les utilisateurs du gaz, la mutation fut aussi articulée sur une transition. Assez court pour le consommateur individuel, le remplacement d'un type de gaz par un autre occupa en fait plusieurs années à l'échelle du territoire. Les performances énergétiques du gaz changeaient. Le pouvoir calorifique supérieur du gaz naturel fut rentabilisé dans les industries utilisant cette source d'énergie (cimentiers, porcelainiers, verreries, industries alimentaires). Le gaz distribué introduisait de nouvelles capacités de production et des opérations techniques plus fines dans certaines fabrications. Conversion favorable aux entreprises gazières, certes, mais liant leur sort à la croissance de ces industries. Le gain était plus difficile vers les usages domestiques (cuisine, chauffage, eau chaude) sur un marché marqué par le niveau d'équipement élevé -c'était le cas de la cuisson-, ou du fait de la concurrence d'autres compétiteurs portés par la modernisation des logements, en particulier grâce à la croissance des consommations électriques18. C'est pourtant sur ce segment de marché que le sens de « conversion au gaz naturel » prend toute sa signification pour démontrer la réalité d'une transition.

Enfin, à l'échelle du territoire, l'arrivée du gaz naturel permettait d'inclure un acteur supplémentaire dans la politique énergétique, articulée de plus en plus sur des considérations d'indépendance à l'échelle européenne. Dès 1951, la découverte du gisement de Lacq offrait des possibilités nouvelles à l'aménagement du territoire. Ce fut d'abord une épopée nationale lorsque les chantiers de transport de ce gaz aquitain furent engagés à partir de 195719. L'émergence d'autres sources d'approvisionnement déplaça le choix politique du niveau national au niveau international, une règle qui prévalait déjà avec les fournitures pétrolières. Successivement, du premier raccordement aux immenses champs gaziers néerlandais en 1959 à la signature du premier contrat de livraison de gaz russe -alors déclaré soviétique- en 1971, la relation avec les pays fournisseurs ne fut jamais dénuée de considérations politiques. Le gaz naturel invitait à une autre transition, qui n'était plus celle de l'indépendance énergétique mais celle de l'assurance de livraisons stables auprès d'interlocuteurs bien différents : Algérie, Pays-Bas, URSS, Norvège avant même d'envisager à partir des années 1980, l'Iran, le Nigeria, le Qatar. D'un maillage national du réseau gazier au cours des années 1970, l'on passait aux multiples interconnexions internationales, transfrontalières terrestres ou maritimes éloignées, avant la fin du 20e siècle20.

La transition qui s'est opérée entre la phase du gaz manufacturé et celle du gaz naturel a donc engendré cette intense période de « conversion » au nouveau gaz. Ce fut une refondation de l'économie gazière dont il faut prendre chaque pièce du puzzle et considérer toutes les conséquences du changement technique. La séquence chronologique appropriée invite à définir la transition sur un pas de temps assez long. Les usines à gaz étaient encore en pleine activité quand les puits de gaz de Saint-Marcet furent identifiés en 1939. Les relations transocéaniques qui définissent aujourd'hui les relations commerciales gazières étaient à peine ébauchées au début des années 1970 lorsqu'il n'était plus question de carboniser des houilles pour en tirer du gaz. Mais il n'était pas plus question de marché spot, de hub gazier ou de bourse d'échanges du niveau de Pegas21. Resserrer l'observation sur le phénomène de  la conversion des abonnés permet d'aborder le cœur de cette transition du gaz noir au gaz bleu, distincte d'une autre séquence, celle du développement du gaz naturel qui n'est pas ici notre objet. L'avènement du gaz naturel posait deux questions. La perception d'une transition était incorporée dans leur résolution. Comment faire parvenir au consommateur final le nouveau gaz ? Comment lui faire s'approprier le changement porté par une entreprise nationale qui restait son interlocuteur, lui délivrant le gaz d'hier et celui du lendemain ?

Le changement de gaz était assez peu visible : une faible emprise paysagère des réseaux de transport, une substitution en lieu et place des réseaux de distribution dans les villes,  des sites gaziers de stockage inconnus du grand public, qu'il s'agisse des réservoirs souterrains ou des trois seuls terminaux méthaniers bâtis en France. Aucun de ces lieux ne déclenchait les polémiques et les débats que l'implantation des grands barrages ou des centrales nucléaires ont pu faire naître. À l'exact opposé de cette discrétion, les opérations urbaines de conversion au gaz naturel furent plus apparentes. Elles restent un bon théâtre d'observation de la transition car elles concernaient à la fois les installations des différentes catégories de consommateurs (industrie, tertiaire, particuliers) donc le fonctionnement même de la nouvelle énergie et elles furent pensées comme un moyen de porter une image nouvelle du gaz.

La phase préalable portait sur la mise en œuvre du réseau de transport, le premier que la France bâtissait si l'on excepte les gazoducs reliant les cokeries lorraines à la région parisienne en 1949. Aux couronnes suburbaines et aux liaisons inter-villes de quelques dizaines de km, le réseau de Lacq substituait un schéma de grande ampleur. Dans son dessin résidait la transition vers une nouvelle économie gazière. Le réserver au Sud-Ouest de la France ou en faire un réseau national ? Privilégier les connexions industrielles ou garantir une énergie supplémentaire à tous les foyers ? Le débat fut tranché comme on le sait par un dispositif hexagonal, dont la mise en œuvre fut une grande aventure. La conversion proprement dite affectait ensuite les réseaux de distribution. Elle supposait une pédagogie de l'acceptation. Paul Delbourg qui fut le chef du Centre d'essais et de recherches de Gaz de France en 1958 témoignait de la difficulté. Il eut à concevoir l'opération de conversion : « Il fallait avoir une mentalité de fonceur : pour cela, c’était un problème de génération. Il fallait sauter une génération pour facilement arriver à changer de gaz » 22.

Le point central restait tout de même la capacité à convertir l'abonné pour en faire un consommateur. Une mission préparatoire aux États-Unis et les expériences antérieures à Toulouse qui avaient duré sept ans, pendant la Seconde Guerre mondiale, freinaient plutôt les ardeurs. Au sein même de Gaz de France, les avis étaient partagés. On le relève encore en 1966 : « Le cas de Paris montre qu’on aurait intérêt à rester en gaz manufacturé et à employer la technique d’augmentation de la pression… cette solution n’est que théorique car la capacité de production est limitée et la nécessité de distribuer du gaz non toxique se manifeste de plus en plus. La conversion au gaz naturel est donc inéluctable » 23. Distribuer du gaz non toxique, l'aveu pourrait à lui seul expliquer la transition vers d'autres modes d'énergie.

Un Centre de changement de gaz fut créé en avril 1957. Il coordonnait différentes opérations et regroupa plus de mille agents à la fin des années 1960. Ils assuraient les mises en gaz préparatoires au gaz naturel (propane, air propané) en remplacement du gaz de houille. Ils vérifiaient et adaptaient les installations, ce qui a correspondu à une première méthode de conversion qui peut être regardée comme une pédagogie de la transition : une campagne de sensibilisation de la population, une préconversion, une mise en gaz, une conversion définitive. Des missions furent effectuées aux États-Unis pour apprendre comment faire le changement de gaz. La conversion à l'américaine engendra un processus rationnel : amenée du gaz naturel, changement des appareils, raccordements par quartiers. Une vingtaine d'abonnés étaient convertis par jour. Le spectacle des points de purge, la nuit avec une torchère, surprit plus d'un citadin. Les installations industrielles présentaient une complexité supplémentaire de raccordement de nouveaux fours puisqu'il fallait ajuster le pouvoir calorifique au processus de production. De telles opérations nécessitaient l'intervention de la Direction des études et techniques nouvelles pour contrôler le réglage très fin des longueurs de flammes.

L'importance de la conversion se lit dans les statistiques. En 1960, 150 000 conversions étaient faites dans l'année, à comparer aux 460 000 conversions domestiques et 6900 conversions industrielles assurées en 1970 ! En 1963 le gaz naturel distribué dépassa le gaz manufacturé et l'on compta un million d'abonnés sur le réseau de Lacq. La région parisienne fut particulièrement complexe à convertir puisqu'elle comptait 40% des abonnés de Gaz de France dans la décennie 1960, soit plus de 2,5 millions d'abonnés à convertir. Les opérations ne  furent achevées que le 21 mars 1979.

Plusieurs effets secondaires doivent être soulignés. L'adaptation des canalisations de distribution fut impérative en raison de leur vétusté. Elle permit l'élévation des pressions alors qu'en 1960, 7% du réseau était encore en basse pression. Le contrôle des réseaux suscita de nouvelles compétences, exprimées par la création du réseau de professionnels du gaz naturel (PGN) en 1988 et la mise en œuvre de l'opération Qualigaz en 1990.  Témoin des changements d'habitude, il fallut odoriser le gaz naturel alors que le gaz manufacturé trahissait de lui même son odeur. En 1978, 98% des abonnés étaient passés au gaz naturel en France. L'objectif énoncé vingt ans auparavant dans le rapport de gestion de Gaz de France se vérifiait. On évoquait en effet en 1958 un contexte de croissance des hydrocarbures et d'internationalisation des approvisionnements énergétiques en ces termes : « le 3e plan d'équipement du gaz sera dominé par la mise en exploitation de Lacq qui marque une évolution essentielle pour l'amélioration du bilan énergétique national, le gaz constituant avec les produits pétroliers la catégorie de ressources qui en valeur relative va connaître le développement le plus important » 24. Vingt ans plus tard, une ville comme Tulle avait pris rang dans la modernité que vendaient les gaziers : 38% de cuisinières et réchauds de cuisine étaient changés, 32% des appareils de production d'eau chaude, 10% des radiateurs et chaudières. De nouvelles attentes sociales étaient apparues, comme si la transition vers un nouveau confort était une preuve d'un changement de société. Les campagnes de publicité en vantaient le slogan vers les clients tandis que la communication d'entreprise s'employait à effacer la représentation des usines à gaz pour faire place à des terminaux rutilants et des navires méthaniers impressionnants25. L'évolution qui suivit ce basculement a modifié les échelles mais pas le cadre général. La transition énergétique qui s'impose aujourd'hui pourrait donc en marquer une fin. Les perspectives qui s'esquissent invitent plutôt à penser le contraire.

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Gaz vert

Il ne fallut pas attendre la déclarée « transition énergétique » pour que l'entreprise GDF devenue GDF Suez verdisse son image. La prise en compte de l'environnement a par exemple été régulièrement associée à la mise en œuvre des réseaux de transport. Elle s'est amplifiée au rythme des réglementations nouvelles introduites par la loi Barnier en 199526. Signe de communication ostensible, dès les années 2000, le logo de l'entreprise associait dans une volute, le bleu de la flamme gazière et le vert des réseaux. Le terme de « gaz vert » recouvre cette dimension environnementale mais sa définition est bien plus large, caractérisée par la production de nouveaux types de gaz. Ses racines apparaissent au cours des années 1980 lorsque le développement du biogaz était seulement envisagé. L'affirmation de ce basculement possible vers d'autres sources d'approvisionnement illustre la capacité d'adaptation aux contextes sociétaux nouveaux.

La loi de transition énergétique -2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte- a posé des objectifs qui a priori ne sont pas très favorables au gaz. Le texte marque la volonté de réduire les importations d'hydrocarbures. La lutte contre l'aggravation de l'effet de serre est soulignée comme un objectif. Une Union européenne de l'énergie qui garantisse la sécurité d'approvisionnement pour construire une économie décarbonée et compétitive, au moyen du développement des énergies renouvelables, y apparaît comme un enjeu essentiel. L'article 2 de la loi en résume l'esprit : « Les politiques publiques soutiennent la croissance verte par le développement et le déploiement de processus sobres en émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, par la maîtrise de la consommation d'énergie et de matières, par l'information sur l'impact environnemental des biens ou services, ainsi que par l'économie circulaire, dans l'ensemble des secteurs de l'économie ». La loi engendre des incitations à la rénovation des bâtiments. Elle engage à développer des transports propres pour améliorer la qualité de l'air. Elle prône la promotion de l'économie circulaire par le recyclage. Elle doit surtout favoriser les énergies renouvelables. Au total, cette croissance verte définie comme un mode de développement économique respectueux de l'environnement et présentée, sans doute un peu abusivement au risque de nier les évolutions antérieures, comme une rupture volontariste, fixe des objectifs dont les entreprises gazières ne pourront se dissocier. En 2030, les énergies renouvelables devront représenter 40% de la production d'électricité, 38% de la consommation finale de chaleur, 15% de la consommation finale de carburant et 10% de la consommation de gaz. Pour les entreprises gazières, l'atout est donc à rechercher dans la promotion d'un gaz vert qui trouve son utilité à la fois dans la perspective d'une préservation environnementale que promeut la loi et dans un système de production de gaz qui engendre des économies nouvelles. Cette transition n'est pas si radicale qu'il apparaît. 

Les prémices émergent au cours de la décennie 1980. Les réseaux de gaz naturel qui maillent le territoire n'étaient pas encore achevés. Le troisième terminal gazier, à Montoir-de-Bretagne, venait juste d'être mis en fonctionnement comme le témoin d'un avenir supposé dédié au gaz naturel liquéfié. Pourtant, des travaux sur la méthanisation de la biomasse étaient déjà engagés par une recherche-développement importante. Présentées au congrès mondial du gaz à Washington en 1988, les perspectives étaient naissantes : « les mécanismes biochimiques complexes entrant dans la fermentation anaérobie commencent à être maîtrisés » 27. Nombre d'acteurs s'étaient lancés dans cette recherche pour conduire au biogaz, le CNRS, l'INRA, l'ANVAR, la Compagnie générale des eaux, l'Air Liquide, Elf, des bureaux d'étude s'orientant vers la méthanisation (Biomagaz, Valorga …). Trois filières étaient étudiées. La méthanisation des résidus de l'élevage avait suscité un intérêt dès les années 1940 au sein de l'École d'agriculture d'Alger pour réaliser la méthanisation du fumier28. Le traitement des boues des stations d'épuration et effluents industriels, notamment ceux des industries agroalimentaires, était surtout conçu comme un  procédé de dépollution par la méthanisation des résidus. La récupération du biogaz dans les décharges contrôlées d'ordures ménagères offrait d'autres atouts.

Au sein de Gaz de France, la Direction des études et techniques nouvelles travaillait sur le processus de méthanisation. Elle implanta la première usine du système Valorga de méthanisation des déchets ménagers près de Grenoble en 1984. La production moyenne montait jusqu'à 125 m3 de biogaz par tonne de matières brutes. Un second site, à Amiens, permit d'atteindre 13 millions m3 biogaz avec 111 000 tonnes de déchets. A la fin des années 1980, identifiant le gisement méthanisable, l'idée d'une combinaison de production d'énergie, de dépollution, de production d'amendements organiques commençait à prendre forme. Le contexte n'était pas encore complètement mûr en raison des coûts d'investissements, comme le constatait le rapporteur du congrès mondial du gaz : « L'atout principal du biogaz en France reste d'être une énergie de dépollution, permettant de résoudre les problèmes d'environnement qui se posent en milieu rural (lisiers), industriels (effluents), urbains (boues d'épuration et ordures ménagères) »29. De son point de vue, sur un plan strictement énergétique, le biogaz n'était pas encore un enjeu national. Mais il suffit que le contexte soit modifié pour que l'introduction de nouvelles technologies soit réappréciée. Faut-il voir dans cette phase exploratoire l'offre d'une possible transition si les rendements économiques changeaient ? De fait, la prise en compte de considérations environnementales plus globales, comme le pose l'actuelle mutation énergétique, montre qu'un processus de transition ne peut être amorcé qu'à la seule condition de disposer de techniques et de capacités d'innovation déjà éprouvées. L'intensification de l'intérêt du biogaz s'inscrit exactement dans cette configuration.

Il peut entrer dans une économie locale circulaire. Le processus de méthanisation des résidus de vinification en donne l'exemple. Le décret n°2014-903 du 18 août 2014 (règlement européen du 17 décembre 2013) sur la valorisation des résidus de vinification a établi que les producteurs ont l'obligation d'éliminer la totalité des résidus de la vinification ou de toute opération de transformation du raisin, par exemple en livrant à un distillateur, à un centre de méthanisation ou à un centre de compostage tout ou partie des marcs de raisins et des lies de vin obtenus. Ils peuvent également le faire en procédant, sur leur exploitation, à la méthanisation ou au compostage de tout ou partie des marcs de raisins et à l'épandage  de ces résidus, évitant ainsi la putréfaction à l'air libre. Le biogaz résout le stockage de certains déchets. Il fournit une énergie polyvalente par combustion dans une chaudière ou cogénération de chaleur. Il facilite la récupération de la chaleur pour le chauffage de l'eau ou des bâtiments. Il peut tout autant servir de gaz classique, notamment de GNV (Gaz naturel pour véhicules). Il apporte enfin une solution à la transformation des digestats de méthanisation par leur transformation en épandage.

À la fin des années 1980, cette voie prenait place dans un horizon de recherches dont certaines résultaient du contexte énergétique des années 1970. La Direction des études et techniques nouvelles de Gaz de France avait ainsi prospecté les solutions de fabrication de gaz de synthèse issus des produits pétroliers ou du charbon. Mais la médiocrité des ressources nationales n'avait pas permis d'aller très loin. L'après crise pétrolière suscita bien une collaboration entre Gaz de France, les Charbonnages de France, le BRGM et l'Institut français du pétrole en 1977 pour aborder la question de la gazéification souterraine. Des expériences eurent lieu en Artois deux ans plus tard. Mais le groupement d'intérêt Méthamine, basé à Avion dans le Pas-de-Calais pour exploiter le grisou,  fit long feu30.

Pour que le gaz vert devienne le support d'une transition, il fallait qu'aux facteurs économiques de rentabilité s'ajoute une volonté politique favorable à cette mutation gazière. Elle est en œuvre depuis la fin de la décennie 2000. La loi du 3 août 2009 sur la programmation du Grenelle de l'environnement place le biométhane dans les énergies nouvelles et renouvelables comme source de distribution de chaleur. Depuis le 16 février 2011, la reconnaissance de la méthanisation comme une activité agricole favorise un allègement fiscal. L'arrêté du 19 mai 2011 fixe les conditions d'achat de l'électricité produite par les installations qui valorisent le biogaz et renforce l'attractivité des tarifs pour les petites unités productrices locales. En novembre 2011, l'autorisation d'injection du biogaz dans les réseaux, du fait de sa miscibilité totale avec le gaz naturel une fois épuré, a introduit un tournant décisif dans le cas du transport comme dans celui de la distribution31. L'extension de l'autorisation d'injection de biogaz aux stations de traitement des eaux en 2014 a marqué la volonté du ministère de l'Environnement de développer les projets de biogaz.

En 2013, ce gaz vert apparaissait encore marginal : 2% de la production des énergies renouvelables (43% bois, 25% hydraulique, 6% éolien, 2% photovoltaïque), soit 0,17% de la demande totale d'énergie primaire. Cette production de biogaz émanait de décharges publiques (60%), de stations d'épuration (18%),  de la méthanisation de déchets organiques (22%). On comptait en 2014, 113 installations d'exploitation des décharges, 10 d'ordures ménagères, 87 de traitement eaux usées urbaines, 80 de traitement eaux usées industrielles et des industries agroalimentaires. Le principal débouché restait la production d'électricité (78%) et non pas la valorisation directe comme source de chaleur. Face à ce rendement faible, puisque la transformation de chaleur en électricité ne livre qu'un tiers de la puissance possible, le vrai débouché, tel que le posait d'ailleurs l'ADEME, serait la valorisation des stations méthanières des résidus agricoles (permettant de produire 90% du gisement méthanisable en 2030). Cela allait dans le sens du plan EMAA (Énergie Méthanisation Autonomie Azote) lancé en mars 2013, prévoyant l'installation de 1000 méthaniseurs sur les exploitations agricoles avant 2020.

L'injection du biogaz dans le réseau de gaz change la donne gazière. Lille est ainsi la première ville à avoir modifié son réseau tandis que les flottes de véhicules municipaux, comme en Moselle, deviennent un autre débouché, signalé d'ailleurs sur les véhicules qui s'intègrent dans cette évolution énergétique. Les projets se sont multipliés. Le 19 mai 2017, GRDF annonçait le lancement d'une étude pour atteindre 100% de gaz vert dans le réseau en 2050. À l'été 2017 l'expérimentation d'un smart gas grid  donnait une nouvelle configuration à l'énergie gazière locale (west grid synergy, lancé par GRT Gaz, GRDF, Soregies, Morbihan Énergies, le Sieml, le Sydev, les Régions Bretagne et Pays de la Loire). La floraison de 115 projets de biométhane dans les régions Bretagne et Pays de la Loire, comme l'alimentation projetée de villes moyennes à 80% en gaz produit localement, par exemple à Quimper, attestent du mouvement engagé. D'autres régions y souscrivent. En janvier 2017, la Région Nouvelle Aquitaine  a lancé un appel à manifestation d'intérêt sur le biométhane comprimé (pour GNV). Elle relance ainsi une aventure industrielle dans le Sud-Ouest qui avait pris forme à Saint-Marcet dès 1942. Jusqu'en 1987, des stations de compression (une vingtaine), des centres de distribution (plus de 180) avaient permis de faire fonctionner des flottes de véhicules au GNV. La validité de ce choix avait été rappelée en 1993 dans la perspective d'une relance de cette utilisation, le GNV produisant 184 g de CO2 au km quand l'essence en produit 224g.  

Deux autres perspectives contribuent à renforcer la montée en puissance du gaz vert. La technique du « power to gas » consistant à produire du gaz à partir des surplus d'électricité éolienne et photovoltaïque renverse le schéma classique de production d'électricité par du gaz. L'émergence du concept de « gaz à rebours » modifie la structure des réseaux. La décentralisation de la production associant des unités de méthanisation rurale à des zones de consommation locale annonce une spatialisation différente de la distribution du gaz, qui ne serait plus le bout de chaîne d'un réseau de transport mais la prolongation d'unités de production. Si la diminution du coût des réseaux longs apparaît comme un possible avantage économique, on ne peut que constater un retour à une situation antérieure, dans laquelle la production primait sur le transport. Cette valorisation locale va dans le sens du développement durable des territoires. Toutefois, le coût d'investissement des installations reste un handicap, fragilisant le modèle économique de ces sites, présupposant des financements européens ou celui des collectivités territoriales ou une mobilisation d'acteurs multiples. Une autre interrogation est liée au rapport que cette conversion au gaz vert à partir des déchets agricoles pourrait engendrer. De même qu'une opposition était apparue contre les agrocarburants, le risque d'orienter une production agricole en utilisant les sols appropriés, non pas vers la fourniture alimentaire mais comme un sous-produit de l'approvisionnement énergétique est entré dans le débat de cette transition énergétique32.

À la fin de l'année 2017, le gaz vert n'en devenait pas moins une réalité. On dénombrait 38 installations qui injectaient du biométhane. En 2019 leur nombre avait déjà augmenté à 76 unités. La capacité de production atteint 574 GWh/an dont la moitié est liée à petites unités. Au total, 531 installations de production d'électricité issue du biogaz fonctionnaient pour une puissance installée de 412 MW et les installations supérieures à 1 MW en représentent 69%. Le résultat vaut moins par la part d'électricité produite que par la mutation engagée, ce que l'Ademe relève en soulignant que 64% des installations de biogaz sont établies à la ferme. Les objectifs fixés par le gouvernement sont devenus ambitieux puisque la production de biométhane devrait passer de 1,7 TWh en 2018 à 8 TWh en 2023. Les entreprises gazières fondent leur stratégie sur cette évolution. Alors que dans les années 1980, associer le gaz à une énergie verte signifiait que le gaz naturel était employé au chauffage des serres et à l'enrichissement des cultures par fumure carbonée33, le gaz vert prend aujourd'hui le sens d'une stratégie de développement au profit de la décarbonisation. La transition vers le gaz vert n'est plus une adaptation mais devient une voie de pérennisation de l'énergie gazière. La valorisation environnementale de la décennie 1980, comme le mécénat pour restaurer les herbages de la pointe du Raz, ou la pratique de GRT Gaz dans les années 2010 pour favoriser la biodiversité des bandes vertes sur les tracés de gazoducs, s'inscrivaient dans une communication d'entreprise. Le gaz vert a une autre portée. Face à la marginalisation des énergies fossiles, il fonde par des choix techniques et une nouvelle spatialisation de réseau, une troisième « transition » gazière. En représentant 0,2% des ressources primaires d'énergie quand le gaz naturel en fournit 12,4%, autant dire que la transition commence à peine ! Mais les incitations financières comme la prise en charge d'une partie du coût de raccordement des installations de biométhane au réseau de transport de gaz traduit une volonté des pouvoirs publics.

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Conclusion

Gaz noir du charbon, gaz bleu des réserves de méthane, gaz vert tiré de la biomasse, chacun illustre des séquences d'une histoire longue, commencée il y a deux siècles en France et en Europe. Chacun peut contribuer à définir ce que seraient les transitions d'une énergie. Résumons la comme une succession de paliers déterminés par des évolutions techniques internes mises en phase avec un contexte d'application, résultant d'une rationalité économique, d'un gain perçu sur le plan sociétal et de l'engagement d'acteurs multiples créant une offre et une demande. Le gaz noir a trouvé sa place car il apportait des possibilités nouvelles d'éclairage sur le domaine urbain et d'utilisations motrices ou calorifiques dans l'espace domestique ou professionnel. Il fut une vraie transition en concurrence avec d'autres matières premières énergétiques (huile, bois) créatrice d'usages nouveaux. Mais l'industrie qui en naquit ne prit son essor que dans le cadre plus global d'une industrialisation fondée sur le charbon. Le gaz bleu forma une autre transition en changeant la nature du gaz. Il s'est développé sur les acquis d'une industrie gazière qui avait déjà un siècle et demi. Mais il bouleversait tout. Le transport devenait plus important que la production. Les arbitrages entre gazoducs terrestres et routes maritimes du GNL ménagèrent l'un et l'autre. Les réseaux de distribution durent être rénovés, mesurés, surveillés avec de nouveaux instruments. Les consommateurs de gaz durent apprendre à utiliser ce nouveau gaz, en transformant d'abord leurs équipements puis en utilisant les potentialités au profit de nouvelles normes de confort ou d'efficacité énergétique. Enfin, d'une industrie aux enjeux essentiellement limités à des concessions urbaines, le passage s'est fait en moins de trente ans vers des relations internationales qui s'inscrivent aujourd'hui dans une géopolitique gazière complexe et stratégique. Le gaz vert ressemble aux deux transitions précédentes. À la première, il emprunte la renaissance d'une production gazière. Celle-ci peut s'appuyer sur des gisements de matières premières diversifiés et renouvelables. Il crée donc un nouveau cycle économique. De la seconde transition, il reprend la mise en œuvre d'un nouveau schéma de réseau, mais en sens inverse. D'un côté le gaz injecté se fait dans les maillages déjà en place, du transport comme de la distribution. De l'autre, il autorise ce qui n'avait jamais été le cas de l'énergie gazière de réseau, l'inscription dans des territoires ruraux au moyen de réseaux de faible emprise, intégrés localement dans un dispositif d'économie circulaire. Le gaz vert diffère aussi des deux séquences précédentes car il ne requiert pas une adaptation des consommateurs à une nouvelle énergie. En revanche, il est une transition spécifique puisqu'il permet la corrélation d'une énergie qui se renouvelle et d'un choix de société, glissant ainsi d'une situation d'énergie fossile condamnée à une énergie adaptable à de nouveaux enjeux, économiques autant que sociétaux. Les entreprises gazières ne s'y trompent pas dans leur communication.

GRT Gaz lance une campagne sur « l'énergie des possibles » déclinant toutes les ressources du gaz vert. Quand Gaz de France annonçait en 2006 « Nous imaginons aujourd'hui des énergies renouvelables pour préserver le monde de demain » avec l'exploitation d'éoliennes et de l'énergie solaire, comme un complément du mix énergétique, GRT Gaz met aujourd'hui en avant le « gaz éolien » produit par la conversion des surplus d'énergie en gaz grâce au power to gas. De son côté, le distributeur GRDF suit la même ligne dans une campagne suggestive : « Choisir le gaz c'est aussi choisir l'avenir » en évoquant les différentes sources du gaz vert. Gaz noir, gaz bleu, gaz vert, chaque séquence est une transition. Chacune a sa spécificité. Mais toutes ont un point commun, elles procèdent d'une évolution en biseau qu'équilibre l'instabilité des techniques confrontée à des demandes sociales renouvelées.

  • 1. Le lecteur se référera par exemple à : Christian Bouchard, « Transition énergétique : contexte, enjeux et possibilités », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], vol. 14/3, mis en ligne le 28 décembre 2014. URL : http://vertigo.revues.org/15975. Au sein d'une bibliographie particulièrement abondante puisqu'elle croise aussi celle de toutes les énergies, nous nous permettons de renvoyer à deux ouvrages récents : Pierre Lamard, Nicolas Stoskopf, La transition énergétique. Un concept historique ? (Lille : Septentrion, 2018) ; Nathalie Ortar, Hélène Subrémon, L'énergie et ses usages domestiques. Anthropologie d'une transition en cours (Paris : Editions Pétra, 2018).
  • 2. Source : Eurostat, https://ec.europa.eu/eurostat/fr (consulté le 5 avril 2019)
  • 3. Milan, 30 novembre-1er décembre 2017. Les transitions dans l'histoire de l'énergie : état des lieux et nouvelles perspectives.
  • 4. Vaclav Smil, Energy and Civilization. A History (Cambridge : MIT Press, 2017) ; Vaclav Smil, Natural gas : Fuel for the 21th century (Chichester : Wiley, 2015). Pour une vue générale de l'histoire de l'industrie gazière orientée sur l'histoire des entreprises, des réseaux et des consommations en France : Alain Beltran, Jean-Pierre Williot, Gaz. Deux siècles de culture gazière (Paris : Le Cherche Midi, 2009) ; Alain Beltran, Jean-Pierre Williot, Le noir et le bleu. Histoire de Gaz de France (Paris : Belfond, 1992) ; Alain Beltran, Jean-Pierre Williot, Les routes du gaz. Histoire du transport de gaz naturel en France (Paris : Cherche Midi, 2012). Pour une extension géographique de l'histoire gazière voir : Isabel Bartolomé, Mercedes Fernández-Paradas, José Mirás Araujo, (eds.), Globalización, nacionalización y liberalización de la industria del gas en la Europa latina (siglos XIX-XXI) (Madrid : Marcial Pons, 2017) ; Alexandre Fernandez, Un progressisme urbain en Espagne. Eau, gaz, électricité à Bilbao et dans les villes cantabriques, 1840-1930 (Pessac : Presses Universitaires de Bordeaux, 2009) ; Serge Paquier, Jean-Pierre Williot, L’industrie du gaz en Europe aux XIXe et XXe siècles (Bruxelles : Peter Lang, 2005) ; Andrea Giuntini, « Il gas in Italia fra industria e servizio urbano dall'avento dell'elettricità alla scoperta del metano », in Giorgio Bigatti, Andrea Giuntini, Claudia Rotondi, Amilcare Mantegazza, L'acqua e il gas in Italia (Milano : Franco Angeli, 1997), 165-255.
  • 5. Voir notre thèse, Naissance d'un service public : le gaz à Paris (Paris : Editions Rive Droite, 1999), 384.
  • 6. Inauguration d'une plaque commémorative de l'installation de la première usine à gaz française dans les bâtiments de l'Hôpital Saint-Louis, discours de Francis Rouland, président de la Société technique de l'industrie du gaz en France, 24 mai 1924.
  • 7. Recueil administratif du département de la Seine, Paris, Lottin de Saint-Germain, tome 1, 1836, 95.
  • 8. Brevet pour l'éclairage de la ville de Tours, 1837.
  • 9. Statuts de la société formée pour l'éclairage en France par le gaz, provenant des produits vinicoles, suivant le système de MM. Livenais et de Kersabiec, Paris, 22 février 1847.
  • 10. Evariste Bertulus, Mémoire d'hygiène publique sur cette question : Rechercher l'influence que peut exercer l'éclairage au gaz sur la santé des masses dans l'intérieur des villes (Marseille : Vve M. Olive, 1853), 26.
  • 11. Archives de la Préfecture de police, D A/50, usine de Belleville.
  • 12. Archives Nationales, O3 1587, Devis du 18 mai 1819.
  • 13. Archives Nationales, 0 3 1589. Rapport de Girard, 1820.
  • 14. Archives de la Préfecture de police, D A 50, usine de Belleville, 11 juin 1845.
  • 15. Archives de la Préfecture de police, Rapports du Conseil de salubrité, 24 juillet 1820, n°120.
  • 16. Rapports du Conseil de salubrité, tome 1840-1845, 311.
  • 17. Sur cette séquence de l'histoire gazière en France nous renvoyons aux rares études, autres que les références bibliographiques citées à la note 4, qui ont intégré l'analyse de la consommation dans le changement technique de l'énergie gazière en évoquant le cas français : Joan Carles Alayo, Francesc Barca Salom, La tecnologia del gas a travès de su historia (Barcelone : Foundation Fenosa , 2011) ; Anne-Sophie Corbeau et David Ledesma, LNG Markets in transition, The Great reconfiguration (Oxford : Oxford University Press, 2017).
  • 18. Voir sur la croissance des consommations électriques en France : Martin Chick, Electricity and Energy Policy in Britain, France and the United States since 1845 (Cheltenham Northampton : Edward Elgar, 2007) ; Alain Beltran et Patrice Carré, La vie électrique. Histoire et imaginaire (XVIIIe-XXIe siècle) (Paris : Belin, 2016) ; Henri Morsel, Histoire de l'électricité en France, tome troisième, 1946-1987 (Paris : Fayard, 1996).
  • 19. Nous renvoyons à notre article « Lacq vu d'ailleurs : convertir la France au gaz naturel de 1957 à 1967 », in Laetitia Maison-Soulard, Alain Beltran, Christophe Bouneau (dir.), Le Bassin de Lacq : métamorphoses d'un territoire, Cahiers du Patrimoine 105, (Pessac : MSHA, 2014), 108-120.
  • 20. Voir sur la transition vers un réseau de transport gazier en Europe et les conséquences politiques et économiques associées : Jeronim Perovic, Cold War Energy. A transnational History of Soviet Oil and Gas (New York : Palgrave Macmillan, 2016) ; Jean-Pierre Williot, « Le gaz naturel : une énergie nouvelle au centre de l'Europe entre les années 1960 et 1980 ? », in Alain Beltran, Eric Bussiere, Giuliano Garavini, L'Europe et la question énergétique. Les années 1960/1980 (Bruxelles : Peter Lang, 2016), 297-314 ; Per Högselius, Red Gas : Russia ant the Origins of Europe's Energy Dependence (New York : Palgrave Macmillan, 2013) ; Susan Nies, Gaz et pétrole vers l'Europe (Paris : IFRI, 2008) ; Bijan Mossavar-Rahmani, Oystein Noreng, Gregory T. Treverton, Natural gas in Western Europe : Structure, Strategies and Politics (Cambridge : Harvard University Press, 1987).
  • 21. Pegas résulte de la coopération commerciale créée en 2013, de la société Powernext (née en 2001) et de la bourse de l'énergie basée à Leipzig pour créer un marché européen des marchés gaziers spot et dérivés.
  • 22. Entretien personnel avec Paul Delbourg dans le cadre de l'histoire de Gaz de France, 23 novembre 1988.
  • 23. Gaz de France, Direction de la Distribution, Commission de l'équipement, 19 décembre 1966.
  • 24. Gaz de France, rapport de gestion, 1958.
  • 25. C'est le cas notamment des illustrations de couverture des rapports au Conseil d'administration ou des brochures institutionnelles diffusées au Congrès mondial du gaz à Washington en 1988.
  • 26. La loi Barnier du 2 février 1995 pose les principes d'un droit général de l'environnement, renforcé en 2000.
  • 27. Georges Donat, « Le biogaz en France. Études et réalisations », 17e congrès mondial du gaz, Washington, 5-9 juin 1988, rapport IGU / B5-88, 17.
  • 28. Les travaux avaient été lancés par les professeurs Gilbert Ducelier et Marcel Isman, de 1945 à 1953, pour obtenir un « gaz de ferme », ou gaz de fumier, comprimé et épuré. L'intérêt d'utiliser ce gaz comme carburant fut attesté en 1957. Abandonné avec l'abondance énergétique des décennies suivantes, le procédé retrouva un intérêt lors de la crise de 1973, au point d'engendrer la mise en place d'un centre d'expérimentation de l'Institut technique des céréales et des fourrages à Boigneville (Essonne) en 1975. La production de bio-méthane en est l'héritage, notamment dans le financement par la Communauté européenne d'une recherche sur la valorisation énergétique de la biomasse et des déchets, en 1998.
  • 29. Georges Donat, « Le biogaz en France. Etudes et réalisations », 19 (cf. note 27).
  • 30. Méthamine a été repris par la société Gazonor en 2007 avant que celle-ci ne cède l'exploitation à un groupe australien, European gas Limited, cherchant à prendre position sur des sites d'exploitation de gaz non conventionnels en 2008. En 2011 la société changea à nouveau de propriétaire pour entrer dans la société belge Transcore Astra. Depuis 2013, la qualité du gaz ne permet plus de l'introduire dans le réseau mais le soutirage demeure. En 2008, la production équivalait à moins de 0,1% de la consommation française de gaz.
  • 31. Le biogaz brut comporte 60% de méthane et de du gaz carbonique. Son épuration permet de le ramener à 97% de méthane qui est définit le gaz naturel.
  • 32. Essam Almansour, Jean-François Bonnet, Manuel Heredia, « Potentiel de production de biogaz à partir de résidus agricoles ou de cultures dédiées en France », Sciences Eaux & Territoires, 2011/1 n° 4, 64-72.
  • 33. « Gaz naturel, l'énergie verte », Gaz Découvertes, n°19, février 1989, 13.
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