L’impossible transition ? La fatalité du charbon au Royaume-Uni
Université Bordeaux Montaigne, CEMMC, EA 2958, F-33607 Pessac, France
charles-francois.mathis[at]u-bordeaux-montaigne.fr
Cet article cherche à comprendre les raisons du fatalisme victorien face à une dépendance énergétique au charbon dont on ne parvient à s’extraire, pour mieux penser ce qu’une transition énergétique pourrait être. Il décrit l’existence d’une pensée providentielle de l’énergie, manne divine dont il faut faire bon usage et qui autorise la domination mondiale. La société britannique est ainsi traversée d’une mauvaise conscience liée au gaspillage de charbon. Comment, dès lors, penser l’après-charbon sans imaginer le pire ? La vision tragique du futur – il n’y aura pas de 2e chance – s’explique à son tour par une conception de la transition qui porte sur la source et non sur le système énergétique dans son ensemble.
Introduction
En 1905, un groupe de scientifiques et d’ingénieurs mené par le prix Nobel de chimie Sir William Ramsay fonde la British Science Guild, dans le but de mettre la science à profit pour régler tous les problèmes auxquels l’humanité est confrontée1. Les débats nombreux et qui s’intensifient depuis une quarantaine d’années sur les pénuries de charbon menaçant le pays ne pouvaient qu’inciter cette société savante à traiter de cette question2 : d’où la publication, en 1912, d’un ouvrage collectif faisant le point sur les sources d’énergies naturelles, dans l’idée particulièrement de déterminer si des alternatives au charbon existent. La réponse des experts sollicités est clairement négative. D’après l’auteur du chapitre sur le charbon, la seule voie possible pour le pays est celle d’une économie de cette ressource :
The most hopeful sign of a coming reform in this direction [domestic consumption] is found in the general awakening of the civic conscience on the subject of smoke prevention. It is earnestly to be desired that this awakening may be really permanent, and that the partially successful, or even the entirely unsuccessful, efforts in the direction of reform may not be interpreted by the public in any hopeless spirit3.
La crainte qu’il exprime ici d’un découragement ne doit pas étonner : car, en dépit de très nombreuses réflexions dans le dernier tiers du 19e s. sur les alternatives énergétiques4, les Britanniques semblent incapables, au tournant du 20e s., d’engager une sortie du charbon, dont ils ne cessent de dénoncer pourtant à la fois les méfaits environnementaux et sanitaires5, et la dépendance exclusive dans laquelle il place le pays. De 1845 à 1945, le charbon assure ainsi 90 à 95% des besoins énergétiques de l’Angleterre et du Pays de Galles, et la décrue ne se fait que très progressivement ensuite (50% encore en 1970)6. Comprendre les raisons de cette résistance au changement peut sans doute aider à mieux cerner, en creux, la notion de transition. De nombreuses explications ont déjà été avancées, portant essentiellement sur des considérations économiques et technologiques liées à la contrainte des origines : l’usage répandu de la machine à vapeur, la production d’électricité par des centrales à charbon, les installations déjà existantes chez les particuliers comme les industriels reposant sur cette source énergétique, rendent trop coûteux les changements nécessaires pour recourir à une autre énergie, qui par ailleurs ne saurait être aussi accessible et abondante que le charbon britannique7. Cette interprétation est tout à fait juste et convaincante, mais elle ne saurait à elle seule suffire. Postuler ainsi la rationalité des acteurs, c’est oublier les ressorts culturels et idéologiques qui peuvent aussi motiver leurs actions. Andreas Malm suggère ainsi à bon escient que le passage de l’industrie britannique au charbon n’était pas fondé sur une pleine et unique rationalité économique, mais qu’il reposait aussi sur des choix politiques et des modes énergétiques8. Stephen Mosley a aussi mis en avant le refus fondamentalement culturel des habitants de Manchester de se priver d’un foyer ouvert dont on savait pourtant qu’il était, énergétiquement parlant, une absurdité9.
Il faut dès lors prêter attention au fatalisme qui s’exprime dans la société anglaise du dernier tiers du 19e s. et du tournant du 20e, qui trouve ses racines dans une inquiétude lancinante liée aux pénuries de charbon exprimée dès 178910. Cette période est, pour le pays, celle d’une crise profonde des valeurs victoriennes, et de la perception de son avenir, notamment énergétique, car le Royaume-Uni a le sentiment d’un déclassement progressif face aux puissances nouvelles (Prusse, États-Unis) et à la compétition, militaire, coloniale et économique, qui s’accroît. Les doutes s’apaisent à la fin de l’ère edwardienne, et, du strict point de vue énergétique, ce moment s’achève peu avant la Première Guerre mondiale, lorsque les découvertes de nouveaux gisements houillers dans le monde et les premiers usages du pétrole éloignent le spectre de la pénurie11. Mais, des années 1870 à 1910 environ, malgré le foisonnement d’anticipations et de réflexions plus scientifiques sur le sujet, ce qui domine dans la presse, les analyses politiques, et même celles justement des savants de l’époque, c’est en effet l’idée que le Royaume-Uni ne peut échapper au charbon, que son sort est lié à ce combustible fossile, qu’il n’y a pas d’issue possible hors de cette énergie particulière12. Les rapports du Parlement consacrés à cette question, les articles de journaux, les ouvrages des membres des sociétés savantes, des géologues et de certains économistes eux-mêmes présentent régulièrement l’apparente impasse dans laquelle le pays se trouve : leurs écrits, souvent, font système, s’inspirant les uns des autres, reprenant les mêmes chiffres ou discutant au contraire l’évaluation de tel ou tel (l’économiste Jevons s’appuyant sur les travaux du géologue Hull qui font référence dans la deuxième moitié du siècle par exemple). Revenir sur cette pensée fataliste et ses ramifications à partir de ces documents13 me permettra de préciser quelle était la pensée énergétique dominante dans le pays et, à partir de cette « non-transition » du début du 20e s., de proposer des éléments de compréhension de ce qu’une transition pourrait être.
Back to topUne conception providentielle de l’énergie
Le droit chemin de la puissance
La première raison de ce fatalisme tient, il me semble, à une compréhension linéaire et téléologique de l’histoire, et particulièrement du passage au charbon. Les traités évoquant l’industrie britannique ou ses ressources en charbon, les éditoriaux de journaux pointent tous la logique presque inéluctable de la domination britannique sur le monde depuis le 18e s. au moins : le caractère de la nation, ses grands hommes, sa situation géographique, les ressources de son sous-sol se sont combinés pour la mener à la puissance. On trouve des traces d’une telle conception par exemple dans les écrits de l’économiste Stanley Jevons et son ouvrage si influent The Coal question en 1865. Dans sa conclusion, il réfute l’idée que le Royaume-Uni puisse se contenter d’un destin médiocre.
To secure a safe smallness we should have to go back, and strangle in their birth those thoughts and inventions which redeemed us from dullness and degradation a century ago. […] Such experiments could not have succeeded, and such writing been published among a free and active people in our circumstances [je souligne] without leading to the changes that have been. […] One invention, one art, one development of commerce, one amelioration of society follows another almost as effect follows cause14.
Ce faisant, Jevons s’inscrit dans une tradition assez partagée d’histoire whig, téléologique, dont le modèle est The History of England de Thomas Babington Macaulay, au succès phénoménal dès la parution des deux premiers de ses cinq volumes en 184815 : l’auteur y dépeint, dès son introduction, une nation en constant progrès matériel, intellectuel et moral depuis la Glorieuse Révolution de 1688, jusqu’au sommet de grandeur atteint au 19e s.16. Un exemple de cette pensée peut se retrouver, appliqué à la transition proprement dite, dans les écrits du juriste et économiste Leone Levi qui présente en 1855 une succession quasiment naturelle et nécessaire de régimes énergétiques :
In the early stages of civilisation man knew of no forces but his own. When human strength was found insufficient, the quadrupeds were put under yoke. […]. From the use of animal force we progressed to the use of inorganic motors, such as water and wind. But these again did not meet all exigencies. […] How shall we value the wonderful influence, physical and moral, of steam – the foremost of all civilizers? It has aroused mankind to a degree of consciousness of their powers over matter, which no other discovery ever accomplished17.
Il y aurait donc eu progression constante, un passage presque obligé d’une ressource énergétique à une autre, jusqu’à ce sommet de puissance atteint par le Royaume-Uni grâce à son charbon. Nul ne doute alors que le pays ne soit au faîte de sa gloire : sa domination mondiale est par trop évidente et son origine fossile est rappelée à ceux qui seraient tentés de l’oublier par l’immense bloc de charbon qui trône à côté du Crystal Palace lors de l’exposition universelle de 1851. Pendant un demi-siècle au moins, tout le monde se targue de ce degré incomparable de civilisation auquel le pays serait arrivé par la grâce de Dieu.
Dieu, le charbon et la conscience victorienne
La possession de charbon est en effet en quelque sorte le signe le plus évident de cette élection providentielle : le Royaume-Uni a la chance formidable d’avoir d’immenses réserves accessibles et de bonne qualité, que l’invention de ses grands hommes et le dynamisme de son peuple ont permis d’exploiter18. Un magazine d’ingénieur, peu porté à la mystique, évoque ainsi en 1873, à propos de cette source d’énergie, « the advantages which the very Creator has bestowed upon [Britain]19 », tandis qu’une lettre envoyée au Colliery Guardian, journal de l’industrie minière et métallurgique, s’exclame : “The use, influence and value of coal as a national agent, are such as cannot fail to impress all with a feeling of gratitude for that munificence manifested and accorded to us by Divine wisdom20”.
Une telle pensée s’inscrit dans le cadre de la théologie naturelle, qui imprègne les deux premiers tiers du siècle21 : les plantes, les animaux, les ressources minérales seraient placés dans le monde pour l'instruction et le bien-être de l'humanité, à charge pour elle d'en découvrir les utilisations possibles et de les appliquer. Développer les sciences naturelles pour connaître les usages de ces ressources, voire découvrir où elles se trouvent, devient de cette manière une sorte de devoir chrétien. Le charbon n’y échappe pas : il a été placé par Dieu pour le bonheur et la prospérité des citoyens britanniques. Geoffrey Cantor a ainsi mis en évidence l’inscription des progrès scientifiques et technologiques dans une perspective chrétienne de perfectionnement de l’humanité selon des plans divins, au sein desquels l’exposition de 1851 serait une étape par exemple22. Si, après Darwin, la théologie naturelle, plutôt déterministe et elle aussi empreinte de téléologie, est mise en difficulté, l’idée demeure d’un devoir des peuples civilisés à exploiter des ressources naturelles endormies23, et d’une manne énergétique exceptionnelle qui singularise le peuple anglais24. L’éminent géologue Edward Hull propose ainsi, en 1861, au début de son influent The Coal-Fields of Great Britain : “May we not […] as believers in an eternal Providence, acknowledge that the mineral [coal] is a heaven-born gift to man25?”
Cette association du charbon et de la bienveillance divine est d’autant plus marquée que la puissance octroyée par le charbon fait l’objet d’une fascination qui traverse tout le siècle. Seule l’électricité en son temps parviendra à partager une telle aura, une telle magie : l’humanité qui possède le charbon et l’utilise dans les machines à vapeur est quasiment autre que celle qui l’a précédé tant ses pouvoirs paraissent immenses et presque illimités. Le célèbre poème « Old King Coal » de Charles Mackay dans The Illustrated London News, qui a popularisé l’expression « King Coal », décrit ainsi une puissance qui change le monde au profit de l’Angleterre :
While his miners mine, and his engines work,
Through all our happy land,
We shall flourish fair in the morning light,
And our name and our fame, and our might and our right,
In the front of the world shall stand26.
Andreas Malm, en ce sens, a tout à fait raison d’évoquer une sorte de fétichisme de la vapeur (steam fetichism)27 qu’il illustre par un poème qui paraît dans le Times en décembre 1829 où le héros est réveillé par l’esprit de la vapeur qui lui fait parcourir un monde nouveau, en 1930, régi par ce pouvoir nouveau, un peu effrayant et tellement plus efficace que les âges antérieurs28…
Les historiens ont d’ailleurs eux-mêmes souligné la chance inouïe, d’un point de vue purement économique, dont a bénéficié le Royaume-Uni en possédant de si vastes et accessibles ressources charbonnières : Kenneth Pomeranz, particulièrement, a fait de ce hasard l’une des raisons de la suprématie britannique à l’époque victorienne29. Pour la plupart des contemporains, bien sûr, une telle chance ne peut justement être le fruit d’un hasard complet, il a bien fallu une main divine pour doter le pays d’une telle manne.
Dès lors, une immense responsabilité repose sur les épaules des Britanniques du 19e s., bénéficiaires de ce don du ciel et de cette puissance sans précédent. Les Victoriens ne cessent certes de s’adresser des satisfécits civilisationnels, mais ils sont traversés par un doute, nourri des craintes récurrentes de la pénurie et reposant sur deux piliers : une inquiétude morale et une conscience douloureuse. Cette dernière est tourmentée par l’usage qui a été fait du charbon : les Britanniques ne sont-ils pas coupables d’avoir gaspillé un tel don de Dieu ? D’où aussi l’angoisse morale et existentielle : la Providence a pourvu à l’élévation des Victoriens au premier rang mondial grâce au charbon, qu’adviendra-t-il dès lors d’eux sans cette énergie ? Peuvent-ils avoir une deuxième chance ? Les affirmations de la Commission royale de 1905, chargée d’évaluer les réserves de charbon, ne laissent à ce propos aucun doute : « We are convinced that coal is our only reliable source of power, and that there is no real substitute30 ». Ce sont ces deux inquiétudes qu’il convient désormais de présenter en détail.
Back to topLa mauvaise conscience : « Tu ne gaspilleras point »
La précocité d’un impératif éthique négligé
Il y a donc, dans le Royaume-Uni victorien, un impératif moral et religieux autant qu’économique à la préservation des réserves de charbon. Je pense qu’on ne saurait comprendre ce souci, et surtout sa précocité, sans le placer dans le cadre idéologique que je viens de présenter. Très tôt en effet, dès 1789 dans l’ouvrage de John Williams Natural History of the Mineral Kingdom, on exprime une inquiétude sur de possibles pénuries de charbon. Celle-ci n’est pas partagée par tous : l’historien Fredrik Albritton Jonsson a montré que deux écoles de pensées s’affrontent au cours du siècle, ceux qu’il appelle les Malthusiens et les « Cornucopiens », convaincus de l’abondance du charbon ou de la possibilité de le remplacer en temps voulu par d’autres ressources, grâce à Dieu et à l’ingéniosité humaine. Mais Albritton Jonsson met aussi en évidence l’entrelacement des arguments théologiques et économiques ou écologiques chez les Malthusiens31 : William Buckland, par exemple, le plus grand géologue du 19e s., souligne l’impératif d’une gestion raisonnée du charbon notamment parce que c’est un cadeau du ciel32. Cette dimension théologique demeure, même si l’inquiétude de la pénurie s’exprime sous des formes diverses au fil des ans. Elle peut prendre un caractère essentiellement moral, comme lorsque le célèbre homme de science John Herschel, qui a beaucoup fait pour le succès de l’ouvrage de Jevons, s’emporte dans une lettre en 1866 contre la « consommation gigantesque et qui gaspille outrageusement » d’une « population qui se dit civilisée – mais qui est en réalité voluptueuse et égoïste » et qui fera « de la Terre un désert » ; « le jour sinistre où il nous faudra rendre des comptes arrivera tôt ou tard33 ».
Ces imprécations contre le gaspillage se manifestent, à la fin du siècle, plutôt sous le signe des générations futures dont le sort ne doit pas être oublié par celles présentes qui se vautrent dans une abondance énergétique temporaire34. Alfred Russel Wallace, le co-découvreur de la théorie de l’évolution, affirme ainsi en 1873 :
[The non-renewable resources of the earth] must be considered to be held in trust for the community, and for succeeding generations. They should be jealously guarded from all waste or unnecessary expenditure, and it should be considered (as it will certainly come to be regarded) as a positive crime against posterity to expend them lavishly for the sole purpose of increasing our own wealth, luxury, or commercial importance35.
Ce qui accroît la mauvaise conscience et les interrogations sur le gaspillage c’est, à ce moment-là, le constat d’un enlaidissement général du pays, l’échec à apporter l’abondance matérielle pour tous, les inquiétudes sur la dégénérescence de la race, et l’extraordinaire pollution provoquée justement par un charbon mal consumé. La crise dans laquelle entre la société victorienne à partir des années 1870 est fondamentalement une crise de civilisation, qui remet en cause les choix antérieurs, et en tant que telle, ravive nécessairement les angoisses énergétiques. Est-ce donc cela qu’on a fait de la puissance ? L’ingénieur Richard Price-Williams le dit sans aménité : « The long black flags of smoke which still fly from many a tall factory chimney in our manufacturing towns, and the many thousand smaller flags which stream from our house tops, bear constant and most mournful testimony to this enormous waste of coal36 ».
Dès lors, puisqu’aucune autre source d’énergie ne semble en mesure de le remplacer, puisqu’il est un cadeau de la providence sans mesure avec d’autres sources, il faut l’économiser.
Économiser pour durer
On ne se contente pas, en effet, de regrets et de plaintes sur le gaspillage : on tente de le quantifier et d’y apporter des solutions. En 1873, l’éminent industriel Sir William Armstrong estime que la moitié du charbon utilisé dans les machines à vapeur et pour le chauffage domestique est gaspillé37, une évaluation qui sera reprise à l’envi par la suite, sans grande discrimination38. De la même manière, l’ouvrage collectif de la British Science Guild évoqué en introduction fait suite à la mise en place, au sein de cette société, d’un Conservation of Natural Sources of Energy Committee, sous l’impulsion de William Ramsay qui y fait le constat d’un « gaspillage épouvantable » de charbon et cherche à y remédier39. Dès lors, deux changements sont envisagés pour économiser cette ressource précieuse et remédier à cet état de fait : modifier les convertisseurs et les usages.
On cherche tout d’abord à favoriser les économies dans la production et la consommation, notamment en proposant d’améliorer les convertisseurs existant (la machine à vapeur pour les industriels) ou en les modifiant (abandonner le feu de cheminée ouvert et passer au poêle pour les particuliers). C’est là-dessus qu’insiste Armstrong dans son article. L’impact de sa communication est tel que, quelques mois plus tard, une Society for the Promotion of Scientific Industry est créée et tient sa réunion inaugurale à Manchester le 16 janvier 187440. La même année elle organise, avec un certain succès, une « exposition d’appareils permettant une consommation économique d’énergie » à Peel Park, Salford41. La solution proposée est donc par essence technico-économique et repose avant tout sur l’innovation et son adoption par les industriels comme par les citoyens. Il est difficile bien entendu de déterminer dans quelle mesure ces appels à la modération et aux économies de charbon ont été entendus, même si Paul Warde a montré que l’intensité énergétique britannique décroît à partir de la seconde moitié des années 187042. Les contemporains ne semblent pas en avoir eu conscience. En 1905, la Commission Royale reprend en effet, trente années plus tard, les mêmes arguments et les mêmes chiffres qu’Armstrong : la moitié de la consommation domestique de charbon pourrait être économisée si un système de chauffage centralisé était installé, tandis que des machines à vapeur de meilleure qualité pourraient diminuer dans la même proportion leur consommation. Le verdict reste donc identique : « Of the wastefulness of existing methods and of the necessity for economy there is no doubt43 ». Ces mesures sont par ailleurs prises au mépris des avertissements de Stanley Jevons qui, dans The Coal Question, avait formulé son célèbre paradoxe : les améliorations techniques permettant d’économiser une énergie aboutissent, au final, à une augmentation de la consommation énergétique globale44.
Puisque l’amélioration des convertisseurs énergétiques ne semble pas suffisante pour empêcher le gaspillage, on songe aussi à se tourner vers de nouveaux usages et une nouvelle organisation du secteur énergétique. Le débat sur la nationalisation de la production charbonnière, si prégnant dans l’entre-deux-guerres, débute dès le tournant du 20e siècle. Il s’agit alors surtout d’évoquer une intervention croissante de l’État dans un secteur aussi essentiel pour le pays, par exemple en matière de négociations salariales. Mais on aborde aussi parfois la question d’un contrôle par la puissance publique de la production afin de la rationaliser et de la rendre plus efficace et économe, par exemple à l’occasion d’un débat lancé à ce propos en 1912 à la Chambre des Communes par un député libéral, Chiozza Money45. Il est intéressant de noter qu’outre le contrôle public, ce dernier suggère aussi une utilisation plus centralisée du charbon par la multiplication des centrales électriques. Le projet est dans l’air du temps : William Ramsay, la même année, propose de brûler le charbon directement sous terre au lieu de l’extraire, afin de produire du gaz qu’on utiliserait sur place là encore dans des centrales électriques46. Il fait peu de doute que cette centralisation de la production énergétique serait plus économique que l’usage éparpillé du charbon dans les foyers individuels à des fins de chauffage domestique par exemple. De telles réflexions sont sans doute d’ailleurs autant d’étapes vers la mise en place, en 1926, de la National Grid. Mais en attendant, elles ne règlent pas le problème. L’électricité a beau être seule capable de rivaliser en puissance onirique avec le charbon, et enflammer les imaginations au même titre que la vapeur en son temps, sa magie se dissipe quand il devient clair pour le plus grand nombre qu’elle doit bien être produite et que le charbon reste, à cette fin, la principale énergie primaire : tous ces efforts ne peuvent donc qu’adapter un système énergétique défaillant et retarder le déclin, sans répondre à l’inquiétude existentielle qui traverse la société victorienne fin de siècle.
Back to topThe Storm-Cloud of the Nineteenth Century
C’est sous ce titre que John Ruskin donne en 1884 deux conférences qui sont par la suite publiées : le nuage de tempête annoncé par le grand penseur victorien est celui qu’il voit s’amonceler depuis un demi-siècle grâce à ses observations météorologiques et qui ne saurait être que l’expression du blasphème suprême de son âge industriel contre la beauté naturelle et divine, transformant le climat de l’Europe47. On peut y voir un symbole parlant de cette ombre qui plane sur l’avenir énergétique du pays.
Le destin tragique du Royaume-Uni
À la précocité des inquiétudes sur les réserves et la lutte contre le gaspillage qui en découle, s’ajoute une autre conséquence de la pensée énergétique providentielle : une vision tragique, parfois apocalyptique du futur. Puisque le charbon a été la chance du Royaume-Uni, une chance unique qui a autorisé son extraordinaire ascension au-dessus de toutes les autres nations, sans doute ne se renouvellera-t-elle pas. Dès lors, si les réserves s’épuisent, si les prix s’enchérissent, c’en est fait du pays et de sa puissance. Les descriptions de cet effondrement sont légion à chaque fois qu’il est question d’une augmentation du coût du charbon, de l’instauration d’une taxe sur les exportations, ou de l’évaluation des réserves existantes. Pour ne prendre qu’un exemple parmi tant d’autres, voici une prédiction du Times, en 1913, qui s’appuie sur ce grand prophète du déclin que fut pour les Britanniques Stanley Jevons :
“Coal in truth stands not beside, but entirely above all other commodities. It is the material source of the energies of the country – the universal aid – the factor in everything we do. With coal almost any feat is possible or easy; without it we are thrown back into the laborious poverty of early times”. These words, which Stanley Jevons wrote in 1865, are equally true today, for coal has not been, nor does it appear likely to be, supplanted as the main source of industrial energy48.
Il n’y a rien de surprenant non plus à ce que la figure du Néo-Zélandais contemplant Londres en ruine reste au goût du jour depuis sa création par Thomas Babington Macaulay en 184049 ; lorsque Gustave Doré le dessine en 1871, c’est déjà devenu un cliché du genre, comme en témoigne, en 1853, John R. Leifchild, un auteur prolifique sur les mines et mineurs britanniques :
A modern historian has drawn a […] striking picture of a New Zealander, sitting and musing on the ruins of London, at the débris of the fallen St. Paul’s. It has been reserved for the author of this book to conceive the picture of some one of his lineal posterity sitting on the top of the ruins of a great, but exhausted Newcastle colliery and mourning and moralizing over the fate of fallen Britain! Should such a picture ever be drawn, its subject will be more pathetic and powerful than that of […] the feathered New Zealander50!
Par leur exagération même, que l’on retrouve dans certains des récits d’anticipations qui foisonnent au tournant du 20e s.51, ces descriptions révèlent la conviction absolue d’un lien indéfectible entre prospérité et charbon, mais d’un lien douloureux : King Coal est un tyran, auquel il faut bien se soumettre si l’on veut rester le premier peuple au monde52.
Roi ou miséreux
Ce qui est intéressant finalement dans ces témoignages, c’est que le choix qui est laissé au Royaume-Uni est celui soit de la superpuissance grâce au charbon soit celui de la misère. Une pensée plus fine, plus nuancée, semble se heurter à ce que j’appellerais un impératif de puissance : dominer ou ne pas être. C’est le sens de la formule choc de Jevons, qui clôt son ouvrage : « We have to make the momentous choice between brief greatness and longer continued mediocrity53 ». Dès 1822, le révérend Conybeare et son collègue Phillips, dans un ouvrage de géologie, envisagent non pas un effondrement, mais un passage en douceur à l’arriération : une population en diminution, les forêts qui remplacent les champs, l’industrie déclinante, la richesse du pays qui s’évapore54…
Même si, comme nous l’avons vu, la quasi-totalité des besoins énergétiques du pays sont assurés par le charbon dès le milieu du 19e s., l’inquiétude n’en paraît pas moins exagérée. Jamais, en effet, le Royaume-Uni ne manquera de charbon de façon absolue, puisqu’il lui sera toujours possible d’en importer si ses réserves s’épuisent ou deviennent trop onéreuses pour être exploitées. Une situation comme celle-ci, que l’on trouve décrite dans le Times au printemps 1900, ne se produira donc jamais :
A famine in fuel […] is one of the most serious troubles that can affect civilized humanity. In some respects, indeed, a coal famine is much worse than a food famine, for without coal it would be practically impossible to keep our mills, forges, mines, and factories in operation; to maintain our systems of transportation by sea and land; to provide heat and light for a hundred different requirements; or to discharge many other functions that are now rendered so easy as to seem commonplace and matters of course55.
Ce dont le pays peut manquer, c’est de charbon bon marché qui le place dans une position compétitive favorable face à ses rivaux européens ou américains. Ce n’est pas la civilisation britannique qui est menacée, c’est son absolue supériorité sur ses concurrents. Les plus avertis en sont bien conscients, faisant entendre une voix toujours inquiète mais plus pondérée que celle, paniquée, des petites gens incapables d’acheter leur charbon lorsqu’il est trop cher. Ainsi de l’industriel William Rathbone Greg qui, en 1874, après avoir évalué les réserves de charbon disponibles dans le monde, affirme qu’elles sont suffisantes
to set at rest all anxiety as to the future fuel of the human race. But to us, and for our immediate purpose, these figures and speculations are utterly irrelevant. Coal is too bulky an article to pay the cost of distant carriage by land or sea; and if ever England is reduced to import her fuel from America or China, the day of her manufacturing prosperity – to say nothing of her supremacy, the matter now in question – will have set for ever56.
Sans doute Greg s’inspire-t-il des conclusions de la Commission Royale de 1866 qui, dans son langage plus feutré, laisse entendre la même chose :
Before complete exhaustion is reached the importation of coal will become the rule, and not the exception, of our practice […]. But it may well be doubted whether the manufacturing supremacy of this kingdom can be maintained after the importation of coal has become a necessity57.
L’enjeu du maintien de cette supériorité relative, mise en brèche dans le dernier tiers du 19e s. par l’essor des États-Unis, de l’Allemagne et des pays neufs, explique l’intensité des débats, particulièrement au tournant du 20e s., sur la question d’une taxation ou non des exportations de charbon, lesquelles ne cessent de croître58. Les plus inquiets demandent à ce qu’on fasse une exception à l’idéologie du libre-échange dans le cas d’un bien aussi précieux et vital pour le Royaume-Uni, dont on doit freiner l’hémorragie. Gardons ce qui nous reste de charbon pour prolonger notre prospérité et celle des générations futures, affirment ainsi tout autant les Londoniens touchés par les pics de prix de l’énergie qu’un intellectuel comme Alfred Russel Wallace59. Hommes politiques et industriels s’indignent, eux, d’une mesure qui pourrait couper le pays du commerce international en entraînant des mesures de rétorsion ; il faut, d’après eux, ne pas s’isoler, mais encourager la prospection minière dans l’empire (ce qui permettrait de diminuer le charbon exporté dans ces territoires, qui pourraient devenir eux-mêmes exportateurs) et progresser dans les économies d’énergie60.
Back to topConclusion
Il y a donc, il me semble, un attachement fataliste au charbon dans la société britannique du long 19e s., qui trouve ses origines dans une conception providentielle de la manne énergétique dont elle bénéficie. Il porte en lui un double malaise : une conscience tourmentée par le gaspillage qui est fait d’une ressource si précieuse, et l’angoisse d’une chance qui ne se reproduira plus. C’est pourquoi la plupart des élites politiques, économiques et intellectuelles britanniques semblent incapables de penser la sortie du charbon sans envisager en même temps l’effondrement de la civilisation anglaise. Elles proposent certes des adaptations – essentiellement par une optimisation de la production et de la consommation – tout en sachant très bien qu’elles permettront au mieux de reculer le déclin, mais pas de l’empêcher. On se heurte à un mur, donc.
Cette incapacité résulte probablement d’une pensée qui porte sur la source et non sur le système énergétique : les Britanniques s’échinent à penser le remplacement du charbon par une autre source d’énergie qui apporterait les mêmes avantages dans la même organisation sociale, économique, politique peut-être, ce qui est, en effet, impossible. Aucune autre source d’énergie ne peut faire cela. Comme l’a bien montrée la publication en 1912 de l’ouvrage de la British Science Guild évoqué en introduction, ni l’énergie hydraulique, ni le pétrole, ni le bois si rare au Royaume-Uni, sans parler de l’énergie solaire bien sûr, ne sont aussi abondants, bien répartis sur le territoire, bon marché, et adaptés à la société britannique telle qu’elle s’est construite depuis un siècle, que le charbon : il y a, comme les commentateurs de l’époque l’ont bien compris, une singularité énergétique britannique61 qui fait du charbon une manne exceptionnelle assurant la suprématie du pays dans un cadre international, technologique, commercial donné, et qui forge une culture particulière62. L’électricité, source secondaire, ne peut à ce titre faire illusion bien longtemps.
C’est sans doute là l’enseignement majeur qu’on peut tirer de cette non-transition : penser la transition, c’est justement penser le changement d’un système dans son ensemble. Or les Britanniques du tournant du 20e s. n’y parviennent pas car ils restent prisonniers d’une conception de leur pays indéfectiblement liée au libre-échange, à la production manufacturière et à l’abondance matérielle – pour quelques-uns au moins –, autant d’éléments qui dépendent étroitement, à ce moment-là, d’un charbon bon marché et abondant. Peut-être est-ce d’ailleurs un piège propre aux systèmes fondés sur des ressources fossiles : l’opulence énergétique est telle qu’il est difficile d’imaginer autre chose qu’un déclin si elle vient à s’arrêter ; or, par définition, on sait que ces ressources sont finies, d’où l’inquiétude qui surgit lorsqu’elles viennent à s’enchérir ou se raréfier63. Pour échapper à cette pensée décliniste, il faut a minima adapter le système pour autoriser le recours à un mix énergétique, ou le changer plus fondamentalement dans son ensemble. Or, un système énergétique n’est pas seulement constitué de réseaux techniques, d’infrastructures économiques, etc. C’est une configuration socio-politique globale, sous-tendue par des représentations et des imaginaires particuliers. Dès lors, penser la transition c’est aussi inventer des possibles, des futurs alternatifs crédibles, ce qui nécessite de faire un pas de côté pour mieux appréhender le système dans son intégralité64.
En un sens, c’est ce qu’ont réussi à faire de grands intellectuels comme John Ruskin, William Morris et tous les concepteurs d’utopies du tournant du 20e s., qui prônent pour la plupart une frugalité plus respectueuse des ressources et un retour à la nature. Ce faisant, ils critiquent le matérialisme de leur temps, son enlaidissement du monde et cassent par là-même le lien qui semble indéfectible aux yeux de leurs contemporains entre charbon, abondance énergétique et bonheur. C’est rappeler la dimension fondamentalement politique de la transition telle qu’elle est ici envisagée65, ou du moins sa dimension subversive. Le poète et critique littéraire Matthew Arnold ne s’y est pas trompé qui, dès 1869, dans son ouvrage majeur Culture and Anarchy, faisait de la culture la force autorisant ce pas de côté et une vision plus claire de la situation de son pays :
Our coal, thousands of people were saying, is the real basis of our national greatness; if our coal runs short, there is an end of the greatness of England. But what is greatness? culture makes us ask. […] If England were swallowed up by the sea to-morrow, which of the two, a hundred years hence, would most excite the love, interest, and admiration of mankind, would most, therefore, show the evidences of having possessed greatness, the England of the last twenty years, or the England of Elizabeth, of a time of splendid spiritual effort, but when our coal, and our industrial operations depending on coal, were very little developed66?
- 1. Roy MacLeod, « Science for Imperial Efficiency and Social Change : Reflections on the British Science Guild, 1905-1936 », Public Understanding of Science, vol. 3, n° 2, 1994, 155-193.
- 2. Antoine Missemer, Les Économistes et la fin des énergies fossiles (Paris : Garnier, 2017), chapitres 1 et 2.
- 3. G.T. Beilby, « The coal resources of Great Britain », in British Science Guild, Natural sources of energy (London : Burt & Sons, 1912), 18.
- 4. Charles-François Mathis, « “Renverser le roi Charbon”. Imaginer la transition énergétique en Grande-Bretagne, 1865-1914 », in Yves Bouvier, Léonard Laborie (dir.), L'Europe en transitions : Énergie, mobilité, communication, XVIIIe-XXIe siècles (Paris : Nouveau Monde, 2016), 85-118.
- 5. Voir par exemple Peter Thorsheim, Inventing Pollution : Coal, Smoke, and Culture in Britain since 1800 (Athens : Ohio University Press, 2006).
- 6. Astrid Kander, Paolo Malanima, Paul Warde, Power to the People (Princeton : Princeton University Press, 2013), 274 ; et les données réunies par Paul Warde sur energyhistory.org.
- 7. Id. ; par ailleurs, David Edgerton dans Science, Technology and the British Industrial 'Decline' 1870–1970 (Cambridge : CUP, 1996) a montré que ces problèmes d’adaptation ne sauraient avoir pour origine un manque d’innovations techniques.
- 8. Andreas Malm, Fossil Capital. The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming (London/New York : Verso, 2016), 119 et 211.
- 9. Stephen Mosley, The Chimney of the World (Cambridge : White Horse Press, 2001), 75-78.
- 10. J’ai évoqué ce fatalisme dans un article récent : Charles-François Mathis, « King Coal Rules : Accepting or Refusing Coal Dependency in Victorian Britain », Revue Française de Civilisation Britannique, numéro spécial Environmental questions in Great Britain : Between Visibility and Marginalisation, vol. XXIII, n° 3, 2018. Dans cet article, je montre notamment comment la foi dans le progrès, l’attachement au libre-échange et l’idée d’un paradoxe du charbon auquel on ne pourrait échapper, vont justifier l’inaction en matière de sortie du charbon.
- 11. Antoine Missemer, Les Économistes et la fin des énergies fossiles, (cf. note 2), 87-89.
- 12. La constitution de la géologie comme science au tournant du 19e s., et l’établissement du Geological Survey en 1835 ont permis d’affiner les méthodes de prospection : la détermination des réserves de charbon proprement dites se fait donc plus juste à la fin du siècle, encouragée par la Royal Commission nommée en 1866 et qui rend son rapport en 1871. L’évaluation du temps restant avant l’épuisement de charbon a en revanche considérablement varié au cours du siècle et reste encore débattu au début du 20e s., le géologue Taylor estimant en 1814 que le pays avait encore devant lui 1727 années par exemple, tandis qu’en 1865 l’économiste Jevons réduisait ce sursit à 110 ans, étendu à 324 ou 1695 années (!) par Price Williams en 1871. C’est que cette évaluation doit prendre en compte, comme le montre justement Jevons, des données économiques, et notamment l’évolution de la consommation de charbon, beaucoup plus difficiles à déterminer. Pour une excellente mise au point, voir l’ouvrage essentiel de Rolf Peter Sieferle, The Subterranean Forest (Cambridge : The White Horse Press, 2001).
- 13. Ayant étudié dans l’article précédemment mentionné les récits d’anticipations de la fin du 19e s. dans une perspective d’histoire de l’énergie, c’est volontairement que je les ai exclus du corpus de sources utilisé ici.
- 14. Stanley Jevons, The Coal Question. An Inquiry Concerning the Progress of the Nation and the Probable Exhaustion of our Coal-mines (London : Macmillan, 1865), 346-348.
- 15. Thomas William, « Thomas Babington, Baron Macaulay (1800–1859), historian, essayist, and poet », Oxford Dictionary of National Biography. http://www.oxforddnb.com/view/10.1093/ref:odnb/9780198614128.001.0001/o…
- 16. Il ne cache pas non plus l’importance du charbon dès le 17e s. Voir Thomas Babington Macaulay, The History of England from the Accession of James II (New York : Harper, 1849 [1848]), vol. I, 296.
- 17. Leone Levi, The Law of Nature and Nations as Affected by Divine Law (London : Cash, 1855), 101-102.
- 18. Robert Fox, « Théologie naturelle et géologie à l’époque de William Buckland », Travaux du Comité français d’Histoire de la Géologie, Comité français d’Histoire de la Géologie, 2001, 3e série, vol. 15, 89-105. <hal-00920000>
- 19. « The Committee on Coal », The Engineer, 11 July 1873, 28.
- 20. C. Hodgson, Letter to the Editor, « Importance of Coal », Colliery Guardian, 12 May 1866, 350.
- 21. David N. Livingstone, « Natural Theology and Neo-Lamarckism : the Changing Context of Nineteenth-century Geography in the United States and Great Britain », Annals of the Association of American Geographers, vol. 74, n° 1, 1984, 9-28.
- 22. Geoffrey Cantor, « Science, Providence and Progress at the Great Exhibition », Isis, vol. 103, n° 3, 2012, 439-459.
- 23. « In speaking of the natural resources of any country, we refer to the ore in the mine, the stone unquarried, the timber unfelled, the native plants and animals – to all those latent elements of wealth only awaiting the labour of man to become of use, and therefore of value », John Yeats, The Natural History of Commerce (London : Cassell, 1870), 2.
- 24. Bernard Lightman a montré les continuités chez les vulgarisateurs scientifiques, entre ce qu’il appelle les « récits de la théologie naturelle » et les « récits de l’histoire naturelle » : Bernard Lightman, « The Story of Nature : Victorian Popularizers and Scientific Narrative », Victorian Review, vol. 25, n° 2, 2000, 1-29. Voir aussi son ouvrage Victorian Popularizers of Science (Chicago : University of Chicago Press, 2007), 494.
- 25. Edward Hull, The Coal-Fields of Great Britain (London : Stanford, 1861), 17.
- 26. Charles Mackay, « Old King Coal », The Illustrated London News, 1 January 1859, 12.
- 27. Andreas Malm, Fossil Capital. The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming (London/New York : Verso, 2016), 195 sqq.
- 28. « A vision of steam », The Times, 26 December 1829, 3.
- 29. Kenneth Pomeranz, The Great Divergence (Princeton : Princeton University Press, 2000).
- 30. Royal Commission on Coal Supplies, Final Report, 1905, 17.
- 31. Fredrik Albritton Jonsson, « The Origins of Cornucopianism : A Preliminary Genealogy », Critical Historical Studies, vol. 1, n° 1, 2014, 151-168 ; et « Forecasting Collapse : the Problem of Coal Exhaustion from the Enlightenment to Victorian Britain », Journée d’études Anticiper la pénurie énergétique, 25 septembre 2015, Université Bordeaux Montaigne ; « Abundance and Scarcity in Geological Time, 1784-1844 », in Katrina Forrester, Sophie Smith (eds.), Nature, Action and the Future (Cambridge : CUP, 2018), 70-93.
- 32. William Buckland, Geology and Mineralogy Considered with Reference to Natural Theology (Pickering : s.n., 1836-1837).
- 33. « The enormous and outrageously wasteful consumption »; « populations calling themselves civilised – but in reality luxurious and selfish » ; « make the Earth a desert » ; « a very ugly day of reckoning is impending sooner or later ». John Herschel, cité dans Asa Briggs, Victorian Things (Stroud : Sutton, 2003 [1988]), 267.
- 34. Fredrik Albritton Jonsson fait remonter à Edmund Burke cette compréhension d’une solidarité intergénérationnelle.
- 35. Alfred Russel Wallace, Daily News, 16 September 1873. Il reprend cet argument dans la conclusion de The Wonderful Century (New York : Dodd, Mead & Co, 1899) intitulée « The Plunder of the Earth ».
- 36. Richard Price-Williams, « The Coal Question », Journal of the Royal Statistical Society, vol. 52, n° 1, 1889, 19.
- 37. Sir William Armstrong, « The Coal Supply », Presidential Address to the North of England Institute of Mining and Mechanical Engineers (Newcastle-upon-Tyne : A. Reid, 1873).
- 38. « The coal famine. Economies and remedies », The Engineer, 21 February 1873, 115.
- 39. British Science Guild, Fourth Annual Report of the Executive Committee, 18 March 1910, 11.
- 40. Robert Hugh Kargon, Science in Victorian Manchester : Enterprise and Expertise (Manchester : MUP, 1977), 200.
- 41. « Exhibition of appliances for the economical consumption of fuel ». Il y aurait eu plus de 50 000 visiteurs à l’exposition d’après The Manchester Courier and Lancashire General Advertiser, 20 April 1874, 6.
- 42. Paul Warde, « Low carbon futures and high carbon pasts: policy challenges in historical perspective », History & Policy, 1 December 2010. Online : http://www.historyandpolicy.org/policy-papers/papers/low-carbon-futures… Voir aussi Astrid Kander, Paolo Malanima, Paul Warde, Power to the People, 232-247 (cf. note 6).
- 43. Royal Commission on Coal Supplies, Final Report, 1905, 20.
- 44. Sur cet effet-rebond et Jevons, voir Antoine Missemer, Les Économistes et la fin des énergies fossiles, 42-43 (cf. note 2).
- 45. L.G. Chiozza Money, Hansard, Chambre des Communes, vol. XXXVI, col. 1372, 10 avril 1912. Voir aussi Charles-François Mathis « “Renverser le roi Charbon” » (cf. note 4).
- 46. William Ramsay, cité dans « Can Science Abolish the Coal-Miner ? », The Illustrated London News, 30 March 1912.
- 47. John Ruskin, The Storm Cloud of the Nineteenth Century (Orpington : Allen, 1884).
- 48. « Coal resources of the world », The Times, 1 December 1913, 21.
- 49. David Skilton, « Contemplating the Ruins of London : Macaulay’s New Zealander and Others », The Literary London Journal, vol. 2, n° 1, 2004 : http://www.literarylondon.org/london-journal/march2004/skilton.html
- 50. John Leifchild, Our Coal and Our Coal-Pits (London : Longman, 1853), 12-13.
- 51. Par exemple : Henry O’Neil, Two Thousand Years Hence (London : Chapman & Hall, 1868).
- 52. Voir parmi beaucoup d’autres exemples de cette description du Roi Charbon : Révérend Harry Jones, « Coal and its Substitutes », Illustrated London News, 18 November 1893, 646.
- 53. Stanley Jevons, The Coal Question, 349 (cf. note 14).
- 54. William Daniel Conybeare et William Phillips, Outlines of the geology of England and Wales (London : William Phillips, 1822), part I, 324-325.
- 55. The Times, 19 April 1900.
- 56. William Rathbone Greg, « Rocks ahead », Contemporary Review, vol. 24, 1874, 42. Pour une analyse de ces questions, voir Antoine Missemer, Les Économistes et la fin des énergies fossiles, 77-78 (cf. note 2).
- 57. Royal Commission on Coal, Report, 1871, vol. I, XVIII.
- 58. 2% du charbon produit était exporté en 1800, contre 34% en 1913, à un moment où le charbon représente 1/10e des exportations britanniques.
- 59. Voir par exemple le récit d’une manifestation dans The Nottinghamshire Guardian, 7 March 1873 ; Alfred Wallace, « Free Trade Principles and the Coal Question », Daily News, 16 September 1873.
- 60. Par exemple : « “Don’t Care” and the Coal Tax », Colliery Guardian, 17 May 1901, 1088 ; Carlyon W. Bellairs, « The Coal Problem : its relations to the Empire », Colliery Guardian, 17 May 1901, 1082-1083.
- 61. Astrid Kander, Paolo Malanima et Paul Warde, Power to the People (cf. note 6) mettent en évidence cette singularité britannique : vers 1870, au Royaume-Uni les machines à vapeur statiques ont une puissance plus de deux fois plus importante que celle des États-Unis ou de la Belgique, et cinq fois plus importante que celle de la France (184), tandis qu’en 1913 le charbon représente 80% de l’énergie consommée en France (contre 95% pour le Royaume-Uni) (210) mais pour une consommation par tête trois fois moindre en France (243).
- 62. Les romans industriels, par exemple ceux d’Elizabeth Gaskell, qu’il s’agisse de Mary Barton (1848) ou de North and South (1855), témoignent, par une multitude de détails concrets et d’anecdotes, de cet imaginaire et mode de vie. Mais ils ne laissent pas transparaître les inquiétudes sur les pénuries charbonnières, s’intéressant plutôt à la condition des ouvriers.
- 63. Ducio Basosi a montré dans une communication au colloque Les transitions dans l’histoire de l’énergie (Milan, 28 novembre – 1er décembre 2017) que les réflexions sur la transition énergétique dans les années 1970 se font sur la base des peurs d’épuisement des ressources pétrolières, balayées (pour un temps) par la production soutenue des années 1980. Antoine Missemer, pour sa part, relève qu’après la Première Guerre mondiale, les craintes de pénurie de charbon s’apaisent également au Royaume-Uni, pour la même raison (Antoine Missemer, Les Économistes et la fin des énergies fossiles, 88-89 – cf. note 2).
- 64. Je renvoie à ce titre à l’ouvrage de Yannick Rumpala, Hors des décombres du monde. Écologie, science-fiction et éthique du futur (Ceyzérieu : Champ Vallon, 2018), qui analyse comment les récits de science-fiction permettent justement de réfléchir aux enjeux environnementaux de notre temps et d’envisager des possibles.
- 65. Charles-François Mathis « “Renverser le roi Charbon” » (cf. note 4).
- 66. Matthew Arnold, Culture and Anarchy (Cambridge : CUP, 1932 [1869]), 51.
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